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celle de ses pères, recommandée par une impartialité relative, par un besoin de règle et d’équité, en regard des prétentions capricieuses, égoïstes et parfois violentes des ordres privilégiés. Ainsi la centralisation put profiter d’une faveur d’opinion qui protégeait toutes les conquêtes de la révolution.

Aussi, quand les royalistes mirent la main sur le pouvoir, trouvèrent-ils peu d’obstacles à ajourner toute réforme administrative. Il ne fut plus question de desserrer une seule maille du solide réseau dans lequel on avait plaint la France d’être enlacée. Pendant six ans de ministère, M. de Villèle ne dévissa pas, que je sache, un seul des écrous de la machine. Il était de l’école de la liberté municipale ; sa province avait des prétentions en ce genre ; les états de Languedoc avaient laissé bonne renommée. Quant à lui, il avait commencé par préférer de beaucoup ces vieilles formes d’indépendance aux garanties de fraîche date, soupçonnées d’être des hérésies philosophiques et des abstractions révolutionnaires. L’expérience seule, et sans doute aussi une honorable ambition, l’avait réconcilié avec le jeu du régime représentatif, et il put jouir pendant six années d’une prépondérance à laquelle en matière administrative on n’eût pas résisté, sans pourtant se dessaisir des armes léguées par la dictature impériale au pouvoir exécutif de la monarchie constitutionnelle. Il est fort difficile en effet que le pouvoir le mieux intentionné renonce volontairement aux moyens d’action d’une organisation parfaitement régulière qui a ses bons côtés et ses approbateurs, qui peut empêcher beaucoup de mal et, habilement dirigée, faire beaucoup de bien. D’ailleurs il faut se le rappeler, l’opinion grondait, les partis se montraient animés et menaçans. La liberté de la presse, quoique combattue, perçait de toutes parts. Elle fait assez de bruit aux oreilles du pouvoir pour qu’il soit peu tenté de désarmer devant elle. On ne s’affaiblit pas de gaieté de cœur, et M. de Villèle entrevoyait assez toutes les forces qui minaient sous ses pieds la monarchie légitime pour se figurer toute renonciation volontaire à une seule prérogative comme une imprudence, et pour répugner à démanteler de ses mains la place qu’il avait à défendre.

Cependant l’esprit vraiment libéral qui animait alors la France commençait à l’emporter sur les raisons de parti ou de circonstance qui avaient conservé jusqu’alors intacte l’organisation impériale, et la décentralisation était un des articles du symbole qui triompha en 1830. Cet article cependant n’était ni conçu avec une parfaite netteté, ni rédigé par tous sous une forme identique. Il y parut quand on en vint à l’exécution. Non que j’aie envie de méconnaître tout ce qu’a fait, pour modifier la centralisation, la seule révolution, le seul gouvernement qui ait fait quelque chose. Il y a plusieurs