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par sa diplomatie que par ses armes, la royauté conquérante de Louis XIV. À quoi bon d’ailleurs invoquer ici la notoriété historique ? Il ne s’agit point des municipalités politiques ni du gouvernement fédératif ; il s’agit d’une question beaucoup plus simple, celle de savoir si dans les grands états, surtout monarchiques, et particulièrement en France, la centralisation doit s’appliquer également, avec la même rigueur, avec.la même intensité, à toutes les parties du service public, et si l’administration locale peut être ou n’être pas profondément distincte de l’administration générale.


II

Il a été mainte fois établi que la centralisation française s’expliquait par l’histoire de France ; nous nous répéterions nous-même en y revenant[1], et quoique M. Dupont-White ait traité ce point avec habileté, et qu’il ait ajouté au fond du système des vues qui lui sont propres, il serait oiseux de les résumer ici, puisque nous lui accordons sans débat que les annales de notre pays sont le tableau d’un effort laborieux et lent vers l'unification du territoire, de la nation, du gouvernement, la plus grande et la plus glorieuse campagne peut-être que la centralisation ait jamais faite. Bien plus, elle a été sur le point de triompher avant le temps. Charlemagne, autant qu’on en peut juger, l’avait commencée et comme accomplie, car il était de ces grands hommes dont l’ambition et l’œuvre sont de hâter ou de devancer l’ouvrage des siècles ; mais c’est au temps que les grands hommes ont le plus affaire. En respectant leur renommée, en l’accroissant même, le temps ménage peu leur ouvrage et ne leur pardonne guère de n’avoir pas voulu l’attendre. C’est le temps qui s’est chargé d’opérer à sa manière, c’est-à-dire en y mettant une longue patience, la centralisation qu’un génie vaste et impérieux avait tenté d’improviser.

Ce monde n’est pas l’empire du mal ni du hasard. Tout a donc ses causes et tout a ses bons effets. Le travail d’unité auquel tout en France, pouvoir et nation, s’est livré n’a donc pas été un capricieux accident ; il n’a pas de tout point contrarié, il a secondé sous beaucoup de rapports la marche naturelle de la civilisation. C’est parce qu’il y a des raisons pour tout, et parce que tous les grands résultats ont leurs avantages, que l’esprit se plaît à découvrir les uns, à constater les autres, et finit par approuver tout ce qu’il explique. Je suis porté à un certain optimisme dans le jugement de l’ordre gé

  1. Voyez la Revue du 15 février 1854 et du 1er août 1856, et l’ouvrage intitulé Politique libérale.