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qui entrent dans son alliance. On pourrait dire, en empruntant une image à la botanique, que dans le système grec et anglais les nations s’accroissent du dedans au dehors, tandis que dans le système romain, elles s’accroissent du dehors au dedans, les unes par émanation, les autres par attraction, diraient les physiciens.

Si la France eût conservé ses belles et vastes colonies d’autrefois, l’Inde, le Canada, la Louisiane, nous aurions conçu pour elles l’application du système que pratique avec tant de succès l’Angleterre ; mais dans les débris qui nous restent, faibles, sans étendue, sans population, assurés de tomber en des mains étrangères le premier jour où ils seraient livrés à eux-mêmes, nous ne pouvons plus voir que les membres dispersés d’un grand corps qu’il faut ramener à l’unité, source de force et de vie. De telles colonies ne sont plus que des provinces extérieures de la France, pareilles aux anciennes provinces de la Gaule, groupées autour d’un noyau central qui les attire pour les soumettre à une direction supérieure et souveraine. Des provinces aux colonies, il y a cette seule différence, que les premières ont pu, sans faire trop de violence à leurs intérêts, être fondues dans les départemens et perdre toute individualité, tandis que les colonies protégées par la distance et par la différence des climats, qui sont des sources de contrastes beaucoup plus profonds, ne sauraient être privées de leur personnalité. Le droit commun peut s’étendre à elles pour les lois générales, sans interdire les lois spéciales ni une forte administration locale : problème complexe et difficile, il faut en convenir, que notre temps doit élucider, car la solution que lui a donnée le sénatus-consulte de 1854 ne satisfait pas plus les principes que les intérêts, Dans cet ordre d’idées, l’admission des députés coloniaux au corps législatif, l’extension des pouvoirs et des libertés accordés aux conseils-généraux, leur retour au rôle des assemblées coloniales ou provinciales d’autrefois, seraient les bases de la constitution nouvelle.

Par la représentation dans les chambres, les colonies renaîtraient à la vie nationale, aujourd’hui presque éteinte en elles, et rentreraient dans la grande famille française. Elles ne se verraient plus, comme dans la dernière session du corps législatif, condamnées à un douloureux silence quand des questions vitales pour elles sont posées, débattues, résolues, tandis que les ports de mer, les fabricans de sucre de betterave, les raffineurs ont toute liberté de soutenir leur propre cause au sein des commissions, à la tribune, au scrutin. En dehors des affaires coloniales, rien de ce qui regarde la France ne resterait étranger aux représentans des colonies, et dans toute discussion ils apporteraient cette expérience et en quelque sorte ces vues du dehors qui manquent trop souvent à des législateurs