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sont bien plus nos ancêtres et plus près de Jésus-Christ que les rudes Bédouins du temps de Josué et de David, ou que les Juifs de la ligne pharisaïque (les vrais Juifs), étroits, haineux, exclusifs. M. de Bunsen est dans le vrai quand il pense que le perfectionnement successif du christianisme doit consister à s’éloigner de plus en plus du judaïsme pour faire prédominer le génie de la race indo-européenne. Il y aurait injustice à oublier le service de premier ordre que le peuple juif et le peuple arabe ont rendu à l’humanité en tranchant d’un coup de ciseau hardi l’écheveau inextricable des mythologies antiques ; mais c’est là un service négatif, qui n’a eu sa pleine valeur que grâce à l’excellence des races européennes. L’islamisme, qui n’est pas tombé sur une terre aussi bonne, a été en somme plus nuisible qu’utile à l’espèce humaine ; il a tout étouffé par sa sécheresse et sa désolante simplicité. Le christianisme n’a échappé à ce danger que parce que l’élément sémitique a toujours été en lui très combattu et a fini par être à peu près éliminé.

Par suite de ses tendances plus juives que chrétiennes, M. Salvador porte, dans sa manière de juger les questions religieuses, un esprit très absolu. Il est injuste pour le protestantisme, parce qu’il ne le voit pas afficher de prétention au droit divin en toute chose ; il ne comprend pas l’avenir du christianisme libre tel que les peuples germaniques le conçoivent ; il ne tient pas assez de compte de l’Angleterre, des États-Unis ; il ne s’aperçoit pas de l’envahissement du monde par la race anglo-saxonne. La séparation du spirituel et du temporel, dont la société juive et la société musulmane n’eurent guère d’idée, et qui a été le salut de l’Europe chrétienne, M. Salvador ne l’admet qu’avec réserve. Il voudrait (ce dont Dieu nous préserve !) qu’ils pussent retrouver un jour leur unité[1]. Une certaine tendance théocratique se fait jour çà et là. En cela, M. Salvador se montre encore un vrai Sémite. Les deux grandes formes de la civilisation sémitique ont cela de propre qu’elles n’admettent pas le gouvernement civil dans le sens où nous l’entendons. Le pouvoir, pour le Juif comme pour l’Arabe, vient toujours de Dieu : système déplorable, qui a livré les peuples musulmans, sans une ombre de garantie ni de tempérament, au despotisme, et a créé cet affreux état de société qu’offre l’islam depuis six ou sept cents ans ! La théocratie, en attribuant au pouvoir une origine spirituelle, plaît aux esprits élevés ; mais elle renferme un poison caché, qui la rend toujours funeste : elle ne peut produire que des pouvoirs absolus. Le principe germanique, que le pouvoir, à ses différens degrés, est la propriété de celui qui l’exerce, en apparence si mesquin, est en réalité bien meilleur, car, en cette manière de voir, tout devient droit personnel : chacun a sa

  1. Tome Ier, page 105.