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roïsme de nos volontaires et de leurs chefs, nous n’arriverons à inspirer une confiance sérieuse et sympathique à l’Europe que par notre aptitude à nous constituer. Pour le moment, si l’Italie excite la curiosité et l’anxiété universelles, cela ne s’explique pas seulement par les exploits militaires de Garibaldi, c’est parce que cette révolution qui agite la péninsule implique des intérêts de toute sorte, religieux et politiques. Il s’agit du principe des nationalités, de la réhabilitation de la race latine, de la transformation profonde de ce qui reste de l’ancien empire germanique, d’un bien autre problème encore, de la situation de la papauté, qui intéresse la conscience d’une notable portion du genre humain. Nous ne nous dissimulons aucune des difficultés que nous avons à traverser ; nous les envisageons avec sang-froid, comme aussi avec la fermeté d’une nation qui n’aspire qu’à se faire reconnaître, et c’est pour cela que tous les peuples sont intéressés, je pense, à nous suivre de leurs sympathies, à nous aider à traverser les difficultés du moment présent, pour arriver enfin à donner, par notre organisation, de nouveaux gages de sécurité et de paix à l’Europe.


CH. MATTEUCCI ;


Le tourbillon qui passe aujourd’hui sur l’Italie et qui met en mouvement tant de passions ne peut faire oublier ceux qui s’en vont après avoir tenu leur place sans bruit, mais utilement et avec honneur. Il vient de mourir ces jours derniers à Turin un homme dont le nom a marqué dans l’histoire du libéralisme italien, et qui, par ses propres services autant que par la loyauté de son caractère, s’était fait estimer et aimer : c’est le comte Théodore Derossi de Santa-Rosa, qui s’est éteint jeune encore, victime d’une longue et inexorable maladie. C’était le fils de ce comte de Santa-Rosa qui fut l’un des chefs de la révolution de 1821, et qui, jeté dans l’exil avec ses compagnons, les Collegno, les Lelio, les Saint-Marsan, alla périr peu après en Grèce dans une obscure rencontre. Collegno a raconté qu’un jour, à Navarin, Santa-Rosa, qui portait sur lui l’image de ses jeunes enfans, s’étant aperçu que le portrait de son fils Théodore était altéré, en conçut une profonde tristesse, et ne put s’empêcher de voir dans ce petit détail intime un sinistre augure. « Tu riras, disait-il. Après cela, je sens que je ne dois plus revoir mes enfans. » Ce fils dont Santa-Rosa regardait avec un pressentiment attendri les traits à demi effacés, c’était justement celui qui vient de mourir à Turin. Il était enfant alors, en 1825 ; il avait été bercé de tous ces souvenirs paternels qui n’avaient pu éveiller en lui que des sentimens de patriotisme et de libéralisme. Le roi Charles-Albert, faute d’avoir pu sauver le père, dont il avait été l’ami, pour ne pas dire le complice, en 1821, eut quelque bienveillance pour le fils, qui put faire des études sérieuses et se préparer à entrer dans l’administration. Par un jeu étrange de la fortune, quand, après la bataille de Novare, en 1849, Charles-Albert s’acheminait vers l’exil, il trouva à sa dernière étape le comte Théodore de Santa-Rosa, qui était alors intendant de Nice et qui l’accompagna jusqu’au pont du Var ; ils eurent un suprême entretien que le fils du proscrit de 1821 racontait quelquefois avec émotion.

Depuis, le comte Théodore de Santa-Rosa était devenu secrétaire-général