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par le pacte colonial. Si la France eût employé la même habileté, Jamais elle n’aurait eu à regretter la défection de quelques-uns de ses enfans.

Dans le cours de cette étude, nous avons nommé Saint-Thomas, un rocher devenu, par la franchise de son port, le point le plus vivant de l’archipel. En comparant aux avantages qu’on y trouve ceux que peuvent offrir la Guadeloupe et la Martinique, les perspectives de la fortune future de ces îles prennent un singulier éclat. Que ne gagneraient-elles pas à compléter leur carrière, trop exclusivement agricole, par un rôle commercial ! Le bassin maritime dont elles occupent les abords est sillonné par les navires de tous les peuples. Ouvert à l’intersection des lignes qui unissent du nord au sud les deux Amériques, de l’est à l’ouest l’Europe et l’isthme de Panama, cette grande route de la Californie et de l’Australie, il est un des carrefours où se croisent les principales branches du réseau général de la viabilité du globe.

Après deux cent vingt-cinq ans d’existence, la Martinique et la Guadeloupe, paralysées par leur isolement commercial, ne cultivent encore qu’une faible partie de leur étroit territoire, et font, le mouvement des entrepôts compris, pour 90 millions d’affaires. Dix ans d’émancipation et de travail libre, en excitant les besoins et les intérêts, en amenant de nouveaux agens de production, ont porté la richesse sucrière des deux colonies de 37 millions de kilogrammes à 65 millions[1]. Le rapprochement de ces deux ordres de faits promet à une phase nouvelle qui s’ouvrirait avec la liberté commerciale les chiffres de 150 millions de transactions, de 100 millions de kilogrammes de sucre. Saint-Domingue se trouverait remplacé.

Parvenues à ce degré de développement, les colonies des Antilles pèseraient-elles beaucoup sur le trésor de la France comme charge financière, sur sa politique comme charge militaire ?

Dès ce moment même, la charge financière n’a rien de bien lourd. Le budget colonial[2], alimenté par les seuls revenus locaux, pourvoit à toutes les dépenses, sauf une subvention du budget de l’état pour les dépenses de souveraineté, qui se montent à 2,810,000 francs pour la Martinique, 3,028,000 francs pour la Guadeloupe, en tout moins de 6 millions, très largement couverts par les perceptions douanières prélevées sur les denrées coloniales à leur entrée en France, et qui ont atteint en 1858 le chiffre de 29 millions. En dehors des versemens effectués au trésor, tenons compte encore des bénéfices que le mouvement colonial procure à la production

  1. Chiffre probable de la récolte de 1860.
  2. Budget de 1860.