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nommer un maire dépourvu des qualités nécessaires, ou de l’aller chercher hors de la résidence communale, et dans les deux cas les intérêts locaux ont inévitablement à souffrir. Il est clair aussi que les ressources des petites localités sont insuffisantes pour assurer des services très utiles, tels que la police, la salubrité, l’enseignement, etc. Il me paraît donc prouvé que nous devons augmenter la circonscription et le chiffre de la population des communes. Je pense qu’en pratique on n’obtiendrait que de bons résultats en fixant le minimum de l’agglomération communale à huit ou dix mille âmes. Les avantages évidens seraient une augmentation de ressources pour les communes ainsi agrandies et la facilité d’avoir des magistrats municipaux indépendans et capables. Dans ce système même d’agrandissement de la commune, il est facile d’imaginer des députés, des select men comme aux États-Unis, qui représentent dans les petites localités l’autorité municipale. De cette manière on parvient à se dispenser des conseils de district ou d’arrondissement qu’on a récemment imaginés, et dont les circonscriptions sont à peu près celles de nos communes agrandies. Ces nouveaux conseils ne nous paraissent aboutir qu’à une perte de temps, à une dépense sans profit et à une complication inutile de la machine administrative.

Ceci établi, un point qui n’est pas moins important, c’est la définition des rapports qui doivent exister entre le gouvernement central et les communes. Les lois Rattazzi et Ricasoli ont certainement réalisé de grands progrès dans le sens de l’émancipation complète de l’autorité municipale. On ne peut qu’insister pour que toute trace de l’intervention de l’état disparaisse le plus possible dans l’organisation nouvelle. On peut sans doute être arrêté ici par les habitudes et les préjugés de la bureaucratie ; mais les obstacles doivent tomber sous la pression de l’opinion publique. Nous aimons assurément la police qui arrête le coupable, le juge qui le condamne ; il n’est point toutefois nécessaire pour cela de multiplier les agens et de restreindre la liberté de chaque citoyen parce qu’il pourrait arriver qu’il en abusât. On ne saurait céder à la crainte de voir les autorités communales se mettre en révolte contre les lois de l’état et l’intérêt général de la nation. Si la responsabilité des magistrats, l’influence de la presse et de l’opinion publique ne suffisaient pas à les maintenir dans la limite de leurs attributions, le gouvernement trouverait toujours, soit dans le conseil d’état comme tribunal administratif, soit dans les tribunaux ordinaires, les moyens de réprimer ces usurpations. Admettant, comme nous le faisons, que la vie municipale est la garantie la plus essentielle de la liberté, la source de tous les sentimens d’indépendance et de patriotisme, gardons-nous bien de la comprimer parce qu’il peut y avoir un syndic tenté de dépenser avec trop de libéralité l’argent de la commune. Suivant l’ancienne loi de la Toscane, un employé du gouvernement, appelé chancelier du cens ou chef du bureau du recensement et du cadastre, devait assister aux réunions du conseil municipal et pouvait en suspendre les délibérations. D’après la loi Ricasoli, cet employé ne fait plus qu’assister aux réunions, et donne son avis lorsqu’il est interrogé. L’innocuité de cette intervention ministérielle dans les affaires de la commune ferait penser que le législateur n’a voulu laisser qu’une simple apparence. Il y aurait peut-être avantage à conserver ce fonctionnaire,