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si nouveau dans l’ordre politique et moral de l’Europe, et tend à introduire dans les relations internationales des règles nouvelles, cette révolution est dominée par deux grandes idées qui la résument. La première, — celle qui explique tant de prodiges de persévérance et d’accord accomplis jusqu’ici, et le courant qui nous entraine aujourd’hui, — est l’idée de l’indépendance nationale admise comme seul fondement de notre existence politique. La force naturelle de cette idée, la passion qu’elle excite, les dangers qu’elle entraîne, sont la raison des événemens que nous voyons se dérouler sous nos yeux. L’ardeur et l’abnégation de nos volontaires, les succès remportés par une poignée de braves sont pour nous, Italiens, un puissant motif d’espoir ; ils ne suffisent pas cependant pour calmer les anxiétés inséparables d’un avenir incertain et de la lutte terrible dans laquelle ces succès mêmes peuvent nous précipiter. Espérons que les hommes qui ont eu un rôle si brillant dans la libération de la patrie s’arrêteront à temps devant la responsabilité d’entreprises plus hasardeuses, plus compromettantes, et que de nouveaux efforts de patriotisme, d’habileté politique de nos hommes d’état ne cesseront d’aider au triomphe d’une cause qui est celle de la justice et d’une nation longtemps éprouvée.

La seconde idée, celle qui doit présider à la constitution politique de la péninsule, et à laquelle je voudrais ici m’attacher spécialement, a été enveloppée en quelque sorte dans les évolutions qu’elle a dû subir en suivant les phases des événemens. Il y a vingt mois à peine, le parti qu’on appelait unitaire était en grande minorité dans tous les états de la péninsule, et c’est une vérité peu contestable, que, sans l’obstination de l’Autriche, sans l’aveuglement des gouvernemens de l’Italie centrale et méridionale, on se serait alors rallié à l’idée d’une confédération d’états plus ou moins libres comme à ce qui pouvait le plus aisément, pour nous et pour l’Europe, assurer un certain degré d’indépendance à l’Italie. Lorsque la guerre et les victoires des armées alliées sont venues rendre plus manifeste la solidarité des princes de l’Italie du centre et de l’Autriche, quels que fussent les accords des préliminaires de Villafranca, l’idée de la confédération était morte. L’idée de l’annexion devait désormais prévaloir, et on n’a aucune peine à s’expliquer l’ardeur, l’unanimité avec laquelle elle a été embrassée. Dès qu’on a voulu se mettre à organiser cette annexion, tout le monde s’est trouvé d’accord sur la formation d’un seul état embrassant toute la vallée du Pô, c’est-à-dire la Lombardie, les deux duchés, les Légations, en même temps que les anciennes provinces du roi de Sardaigne. C’est que les souvenirs du royaume d’Italie n’étaient pas complètement effacés ; c’est que la race qui peuple toute cette riche vallée est la même d’origines, de mœurs, d’intérêts. A part des différences ou des nuances de dialectes, les Romagnols, les Lombards, les Piémontais, n’ont aucune peine à s’entendre entre eux. Il n’en est pas tout à fait de même au-delà des Apennins. Les Toscans, les habitans de Pérouse et d’Ancône, sans aller plus loin, sont une race différente de celle du nord, distincte non-seulement au point de vue géographique, mais encore par le caractère, les origines, les tradition ?. C’est donc la nature des choses qui nous a déterminés à adopter sans aucune restriction l’annexion immédiate, ou plutôt la fusion de la Lombardie, des deux duchés et des Légations