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en presse, car je ne puis exposer les vies humaines qui se dévouent à moi que si, en me promettant que ma résistance, immédiatement soutenue par vous, sera efficace, vous prescrivez et vous justifiez vous-même une effusion de sang dont les violences de mon ennemi ne suffiraient pas à m’arracher le cruel et inutile sacrifice. »

C’est de France et d’Autriche surtout que les réponses à de telles questions eussent dû arriver claires et promptes. La cour de Rome eût dû savoir en moins de huit jours si elle serait, oui ou non, secourue. Suivant les réponses reçues, ou elle pouvait laisser s’engager les troupes de Lamoricière, ou elle devait les faire replier sur Rome, les dissoudre et abandonner, en protestant, la capitale du monde catholique. L’avenir nous expliquera sans doute les causes de la confusion qui a paru régner à Rome sur ce point. Il semble que le gouvernement pontifical se soit attendu à être secouru. Cette illusion, que partageait évidemment le général Lamoricière, explique ce qui s’est passé. L’année dernière, lorsque les Autrichiens prirent le parti de couper court aux longues négociations qui ont préludé à la dernière guerre et d’envoyer un ultimatum à Turin, ils donnèrent trois jours au Piémont pour se décider, et le ministère anglais, faisant un effort suprême en faveur de la paix, obtint d’eux une prolongation de répit. Le malheureux pape et son brave général n’ont pas même eu le bénéfice d’un avertissement préalable et d’un délai de quelque vingt-quatre heures. Le Piémont n’a pas même eu pour la France la déférence que l’Autriche montra envers l’Angleterre. L’invasion n’a pas même attendu la réponse du gouvernement pontifical à l’intimation du cabinet de Turin. Le général Lamoricière a dû déployer une prodigieuse activité pour jeter quelques troupes dans Ancône et réunir les quelques milliers de recrues qu’il a lancés avec une impétuosité désespérée contre les fortes positions piémontaises de Castelfidardo. Avec des soldats consommés, cette attaque eût réussi peut-être, mais n’aurait abouti qu’à prolonger de quelques jours la résistance d’Ancône. Comme il était aisé de le prévoir, l’insuffisance des soldats a trahi l’énergique résolution du vaillant homme de guerre. Une diversion qu’il avait ordonnée à la garnison d’Ancône ne s’est pas effectuée ; ses bataillons italiens ne l’ont pas secondé. Il a pu percer, avec un millier d’hommes, l’armée victorieuse ; mais le plus grand nombre de ceux qu’il eût voulu entraîner avec lui, la plupart de ces braves volontaires franco-belges surtout, qui ont si dignement soutenu dans cette journée l’honneur de leur race, de ces mercenaires qui ont si bien répondu à l’outrage de l’ennemi par leur chevaleresque héroïsme, étaient détruits ou prisonniers. Comment pourrions-nous omettre, parmi les pertes que ce combat coûte à la France, le nom de M. George de Pimodan, qui lui-même a laissé dans la Revue des traces si remarquables de son goût passionné pour la guerre et des qualités élevées et aimables de son esprit et de son cœur ? Le malheur de nos troubles politiques, peut-être de regrettables préjugés de famille qui disposèrent de son avenir, avaient empêché M. de Pimodan