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doute subsiste. Ce ne sera pas trop s’écarter du sujet principal de ces recherches que de donner ici une idée exacte de l’état actuel de nos récoltes, des résultats définitifs qu’on en peut attendre.

En tout pays, les phénomènes météoriques plus ou moins variables d’une année à l’autre ont une grande influence sur les produits des diverses cultures. Dans les terres légères et sableuses, la végétation ne peut se développer avec quelque vigueur et se soutenir qu’à la condition de recevoir de l’atmosphère, par des pluies fréquentes, l’humidité qui se dissipe si rapidement à la surface de ces sols arides ; au contraire, dans les terrains argileux, où l’eau se trouve fortement retenue, les eaux pluviales amènent bientôt un excès d’humidité qui nuit à tous les actes des radicelles, noyées en quelque sorte et peu à peu désagrégées par l’eau qui les entoure. Dans les principaux centres de production des céréales, surtout en France, en Angleterre et en Allemagne, les récoltes sont généralement abondantes durant les années sèches, les terres fortes à blé étant plus ou moins argileuses ; mais pendant les années très humides l’accroissement de la récolte sur les terres légères est loin de balancer le déficit qui peut résulter soit des entraves apportées à la végétation sur les terres fortes, soit des causes multiples d’altération de la paille et des grains à l’époque de la moisson. On pouvait donc s’attendre cette année à une déperdition très grande au moment de la récolte, si le plus grand nombre des agriculteurs n’eût enfin adopté les moyens qu’on leur indique depuis longtemps comme propres à combattre ces terribles influences.

L’année 1860 comptera précisément au nombre de celles qui auront été, par nécessité peut-être, le plus fécondes en applications nouvelles. Dans une précédente étude[1] sur la production des céréales, nous avions montré combien il était difficile de décider les cultivateurs à employer un moyen assuré de garantir leurs récoltes contre les altérations profondes qu’occasionnent trop souvent les pluies automnales plus ou moins persistantes à l’époque de la moisson. Cette année, le danger était si grand que presque tous en sont venus à mettre en pratique l’utile méthode de la formation des moyettes[2] au moment même où le blé tombe sous la faux, et ils ont pu reconnaître que les épis se trouvent de la sorte mis immédiatement à l’abri de la germination, des moisissures et de la

  1. Revue du 15 septembre 1859.
  2. Les moyettes sont de petites meules formées de dix à douze gerbes placées debout, les tiges écartées par le bus, de façon à former une sorte de cône dont le sommet, réunissant tous les épis, doit être immédiatement recouvert et coiffé pour ainsi dire avec une grosse gerbe fortement liée près du bas des tiges. Cette gerbe, largement couverte, est renversée sur le cône, et les épis qui pendent tout autour laissent facilement écouler les eaux pluviales, qui ne peuvent dès lors endommager les grains.