Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/720

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dits fossiles. C’est à l’aide des marnes calcaires qu’on fertilise les terrains sableux, tels que ceux de la Sologne[1], ainsi que les sols argileux ou argilo-sableux, comme on en rencontre dans les départemens du Nord, du Pas-de-Calais, de la Seine-Inférieure, de la Sarthe, de la Mayenne, de la Loire-Inférieure, etc. Ces marnes sont d’autant meilleures qu’elles contiennent une plus grande quantité de carbonate de chaux ; mais, comme on les trouve en abondance dans beaucoup de localités, le prix n’en est jamais très élevé. Elles peuvent encore produire de meilleurs résultats lorsqu’elles contiennent naturellement des matières organiques azotées altérables et susceptibles de hâter la désagrégation, la dissolution et par conséquent l’assimilation de leurs particules. Certains sables de mer présentent ces conditions. On les désigne en Bretagne sous les noms de tangue, de trez et de merl. La tangue est un sable très fin, mêlé de débris de coquillages, offrant une incrustation calcaire azotée et saline à sa superficie. Formé dans les eaux de l’Océan, ce sable se dépose près des embouchures des rivières et dans plusieurs baies, sur les côtes de Bretagne et de Normandie ; les cultivateurs vont charger leurs voitures de tangue, et, suivant qu’elle est plus sableuse ou argileuse, ils la destinent à des terres fortes ou légères. M. Isidore Pierre, qui a publié l’analyse des principales variétés de tangue, évalue à 2 millions de mètres cubes les quantités extraites annuellement. On en emploie tous les trois, quatre ou cinq ans de 6 à 16 mètres cubes par hectare, et toujours après les avoir laissés pendant plusieurs mois exposés à l’air. — Le trez est un sable marin analogue plus grossier, mêlé de débris de coquilles et contenant de 45 à 70 centièmes de carbonate de chaux, des traces de phosphate et de substances azotées ; on le recueille sur les plages du Finistère. — Le merl, le plus riche de ces engrais de mer est formé des débris rameux de petits coraux. On le recueille, à l’aide de dragues, dans les rades de Brest et de Morlaix, du 15 mai au 15 octobre. On rencontre également le merl sur les côtes de Cornouailles et de Devonshire en Angleterre : il contient de 75 à 80 centièmes de carbonate de chaux et environ 3, 25 de substance azotée. On en consomme tous les dix ans de 16 à 20, 000 kilos par hectare. Ces engrais sont si précieux pour les cultivateurs de nos côtes de Bretagne qu’il y a quelques années, la seule annonce des projets de construire des digues sur le littoral breton avait ameuté les populations, ordinairement si paisibles.

On mélange souvent des substances azotées putrescibles avec les marnes calcaires, afin d’en hâter la désagrégation et d’en accroître

  1. Dans les terres presque entièrement formées de sables, les marnes argilo-calcaires améliorent le sol non-seulement par le carbonate de chaux, mais encore par l’argile qu’elles y introduisent.