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travers les tissus végétaux : les plantes qui croissent dans des climats arides offrent des dispositions particulières qui s’opposent à une dessiccation funeste. Ainsi les très jeunes tiges développées au sommet des cactus sont protégées naturellement contre une excessive évaporation spontanée par une sorte de pellicule qui les enveloppe, par les épaisses couches épidermiques sous-jacentes, enfin par le suc visqueux qui baigne les tissus ; ces jeunes tiges verdâtres retiennent jusqu’à 96 d’eau pour 100 de leur poids malgré l’action desséchante de l’air qui les environne.

Jamais d’ailleurs l’eau, qui offre un si puissant concours à la nutrition et au développement des végétaux, ne leur arrive à l’état de pureté : les eaux pluviales elles-mêmes s’imprègnent, en traversant l’atmosphère, de poussières, gaz et vapeurs ; tombées sur le sol, elles ne peuvent le traverser sans se charger de matières minérales et organiques qu’elles ont la faculté de dissoudre, de transmettre aux racines dans un état de dilution convenable. Toutes les eaux naturelles des sources et des rivières contiennent des quantités notables de sels alcalins, calcaires, magnésiens, et de la silice, lors même qu’elles sont limpides. À plus forte raison, lorsqu’elles sont troubles, peuvent-elles fournir en arrosages les engrais qu’elles tiennent en suspension ou en dissolution, et qui concourent à doubler, à quadrupler parfois les récoltes des fourrages ou des plantes légumières. Cependant on a vu des irrigations ou arrosages d’eaux également naturelles produire sur les plantes des résultats tout contraires ou très défavorables, contre lesquels il est bon de prémunir le cultivateur. Lorsque, par exemple, les eaux trop froides de certaines sources sont dirigées sur des prairies pendant les chaleurs de l’été, elles occasionnent un tel changement dans la température des plantes, que la végétation, subitement arrêtée, ne peut reprendre son développement normal, et que la prairie arrosée se montre dès lors moins productive. Il est très simple d’éviter cet inconvénient en laissant séjourner dans de larges fossés ou de grands réservoirs ces eaux de sources trop froides, afin qu’elles puissent acquérir une assez douce température avant d’être versées sur les prairies ; de même en été les horticulteurs ont soin de garder quelque temps les eaux de puits exposées au soleil avant de les répandre en arrosages, particulièrement sur les végétaux herbacés ou sur les plantes délicates.

Certaines eaux naturelles, qui en quantités restreintes exerçaient une favorable influence, ont au contraire produit le singulier effet de dessécher ou de flétrir les plantes, lorsque, pour compenser l’évaporation rapide déterminée par les grandes chaleurs, on multipliait les arrosages. C’est que ces eaux étaient chargées de sels calcaires, qu’abandonnant par l’évaporation à l’air libre une grande partie du carbonate et du sulfate de chaux qu’elles contiennent, elles