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d’agir, peut-être à titre d’excitans, sur la vitalité des plantes. » Pour mon compte, à la suite de cultures expérimentales comparatives, reconnaissant l’influence prédominante des matières animales dans les engrais, j’avais proposé, dès l’année 1830, le dosage de l’ammoniaque comme le moyen d’en apprécier la qualité. Gay-Lussac, quelques années plus tard, rappelant ce que l’on savait de la présence des matières de nature animale dans plusieurs graines, par exemple du gluten dans le froment, concluait de ses nombreuses analyses que toutes les semences contenaient de l’azote : « La présence de la matière azotée explique, ajoutait cet illustre chimiste, la qualité si nutritive des graines et l’étonnante fécondité, comme engrais, du résidu que laissent les graines oléagineuses après l’extraction de leur huile. » Cette découverte constituait un grand progrès ; toutefois on ne pouvait encore assigner aux substances azotées le véritable rôle qu’elles accomplissent dans la nutrition des végétaux, ni prouver l’indispensable nécessité des moyens d’assimilation que les engrais doivent leur fournir.

Guidé par les premiers faits où j’avais constaté l’action énergique des débris animaux en voie de dissolution sur le développement des plantes, m’aidant en outre d’une curieuse observation de l’effet produit par le tanin d’un chêne abattu sur les spongioles[1] des radicelles d’un arbuste planté au même lieu, je fus amené à élargir de beaucoup le rôle de cette classe de matières organiques dans les organes vivans des végétaux. Puisque les spongioles, toujours très jeunes dans les plantes (car elles se renouvellent sans cesse à mesure que les radicelles s’allongent et pénètrent dans le sol), formées de cellules à minces parois toujours remplies de substances azotées, étaient toujours douées d’une grande énergie vitale, ne pouvait-il en être de même de tous les organismes jeunes et susceptibles d’accomplir les fonctions de la vie aussi bien dans toutes les parties aériennes que dans les parties souterraines des plantes ?

Pour résoudre ce problème, je déterminai la composition des parties centrales blanchâtres des bourgeons. Ces parties, les plus jeunes de l’organe, protégées par plusieurs enveloppes contre l’action de la lumière et la fixation du carbone de l’air atmosphérique, reçoivent leur principale nourriture de la sève qui monte depuis les radicelles jusqu’aux extrémités supérieures des arbres. Mes nombreuses expériences, entreprises dans nos régions plus ou moins fertiles, poursuivies en Toscane sur des sols arides et jusqu’au sommet des monts presque dénudés où la végétation languissante n’offre que des plantes grêles et des arbres rabougris, me prouvèrent que partout les plus

  1. Sous le nom de spongiole, dérivé du mot éponge, on désigne l’extrémité de chacune des radicelles des plantes phanérogames. C’est par ce bout arrondi, en quelque sorte spongieux, que s’opère l’absorption des liquides que les végétaux puisent dans le sol.