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liquidation du passé que par les besoins impérieux du nouvel état de choses. Dans leur détresse, les colons ont tourné leurs regards vers la métropole, les uns espérant une part dans les 40 millions promis, à titre de prêt, à l’industrie pour le renouvellement de son outillage, les autres préférant une garantie d’intérêt par l’état au profit des usines centrales à créer. Ni l’une ni l’autre de ces suppositions n’ayant beaucoup de chances de succès, on s’est retourné enfin vers nos grands établissemens financiers, assez favorables à des propositions qui doivent se traduire pour eux en beaux bénéfices. Pour les colonies elles-mêmes, nous préférerions une solution de ce genre, découlant de la liberté des accords, à une intervention directe de l’état, qui se traduirait en tutelle gênante de sa part et serait d’un mauvais exemple pour l’avenir.

On entrevoit une pareille conclusion par des voies amiables et privées à la crise qui, depuis quelques années, agite les Antilles françaises avec une gravité inquiétante. La cause première dérive de la réorganisation de l’industrie sucrière, qui a immobilisé le capital dans des travaux dont l’amortissement exige un certain nombre d’années. De là des embarras, constatés par l’excédant des importations sur les exportations, et qui sont l’objet de critiques imméritées. Ce n’est pas en stériles fantaisies que les colons épuisent leurs ressources ; c’est en instrumens d’agriculture, en machines perfectionnées, animaux de travail, engrais, défrichemens, plantations, reconstructions : autant de dépenses dignes d’éloges. Ils importeraient et dépenseraient moins que leurs récoltes se réduiraient dans la même proportion, et leurs bénéfices seraient encore plus atteints par l’élévation des frais généraux, par la cherté des salaires et la concurrence de rivaux mieux outillés. Une dépense qui doit compter, quoique omise sur les états de douane, est celle du recrutement des immigrans, importation analogue, par ses conséquences financières, à l’achat extérieur d’instrumens de travail.

Dans leur embarras, les planteurs s’adressent au crédit, car le sort de l’agriculture coloniale se lie intimement, tant par l’escompte des effets que par le prêt sur récoltes pendantes, au sort des banques dont le capital fut formé, il y a quelques années, par la retenue d’un huitième sur les fonds de l’indemnité. Après quelques années d’un développement régulier, les banques des Antilles, de la Martinique principalement, ont rencontré de difficiles épreuves qui ont fait craindre quelquefois de les voir succomber sous une