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cette promesse ? C’est, je crois, la chose impossible, et la faiblesse actuelle du gouvernement de la Porte, qui a pour résultat de forcer les ambassadeurs, sous peine de ne pas faire les affaires dont ils sont chargés, à intervenir sans cesse et sans fin dans les détails de la politique et même de l’administration locale, cette faiblesse est à elle seule, pour les membres du corps diplomatique résidant à Constantinople, une cause infaillible de dissensions qui sont allées plus d’une fois jusqu’à des rivalités personnelles. À tous les points de vue, Constantinople serait le plus mal choisi de tous les lieux pour devenir le quartier-général d’une conférence comme celle qui a été proposée par lord Stratford de Redcliffe.

C’est surtout à l’Europe et à ses gouvernemens que la réunion de cette conférence serait appelée à rendre de grands services : elle ne blesserait la dignité d’aucune puissance, puisque l’on sait que dans une assemblée de ce genre les décisions ne sont pas prises à la majorité, et que chacun y conserve, sous sa responsabilité, sa liberté d’action et d’opinion ; mais ce qui serait d’un prix inestimable, ce serait de mettre les puissances en communication permanente sur un sujet qui menace plus qu’aucun autre de troubler parmi elles l’harmonie et la paix. Elles trouveraient chaque jour dans cette réunion une sorte de thermomètre qui leur indiquerait plus sûrement qu’aucun autre les éventualités du présent, qui leur permettrait de s’éclairer réciproquement avec plus de sûreté qu’elles ne le peuvent faire aujourd’hui, qui les affranchirait surtout d’une grande cause d’erreur en portant toujours et tout de suite leurs griefs en face de l’Europe, qui en définitive est le véritable arbitre duquel elles relèvent. Rien n’est plus dangereux que la condition actuelle, qui met chacune des puissances isolément en face de la faiblesse de la Porte, à qui seule elles peuvent, s’adresser, et qui, comme tous les faibles, ne répond que par des fins de non-recevoir quand elle ne se laisse pas arracher des promesses qu’elle ne peut pas tenir, mais sur lesquelles on bâtit souvent des projets téméraires. Rappelons-nous par exemple l’affaire des lieux saints ; rappelons-nous comment la France et la Russie, contraintes à porter une question qui leur était personnelle sur le théâtre de Constantinople, que l’objet du litige concernait à peine, ont conduit les choses, et sans le vouloir bien probablement, à une grande guerre. S’il y eût eu alors une conférence, qui peut croire qu’il en serait arrivé ainsi ? Si l’empereur Nicolas, dont toute la politique était fondée sur l’impossibilité prétendue d’une alliance entre la France et l’Angleterre et sur le concours qu’il attendait de la Prusse et de l’Autriche, eût pu être averti à temps des véritables dispositions de l’Europe, n’aurait-il pas été arrêté à temps aussi avant de s’engager jusqu’au point où son orgueil n’a pu reculer ? Cet orgueil, qui a joué un si grand rôle dans