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ou même se traîner avec leurs blessures jusqu’en France. La rade si animée de Saint-Pierre, le port de la Trinité, qui est le second de la colonie pour le mouvement commercial, celui du Marin et les divers mouillages distribués autour de l’île appellent à leur tour des améliorations nécessaires. Les habitans de la Guadeloupe mettent le port de la Pointe-à-Pitre au-dessus de Fort-de-France, et ne trouvent à lui comparer dans le monde que la rade de Constantinople. Par malheur, la ville, démolie par le tremblement de terre de 1843, a pu réparer ses maisons plus vite que son port, dont les passes se sont envasées et encombrées par l’effet de cette catastrophe. Pour un curage à fond, la colonie s’est imposé une contribution spéciale, et la métropole y ajoute une subvention de 170,000 francs, sur laquelle un premier crédit de 85,000 francs a été voté il y deux mois. C’est à la rade foraine de la Basse-Terre et dans celle bien autrement vaste et sûre des Saintes qu’ont été construits les chalands à clapets et les canots remorqueurs pour le curage de la Pointe-à-Pitre, et ce ne sont pas les seuls mouillages où l’industrie humaine ait à compléter l’œuvre de la nature. Le Moule, à l’ouest de la Grande-Terre, possède un bassin de carénage établi par un particulier ; Marie-Galante a aussi le port de Grand-Bourg, qui réclame quelques travaux, et Saint-Martin compte sur son pourtour de si peu d’étendue trois rades, dont l’une, le Marigot, est rangée parmi les plus belles du golfe.

La télégraphie électrique, qui participe à la fois des travaux et des services publics, est en voie d’installation dans l’intérieur des deux îles et de l’une à l’autre. La distance de trente lieues qui les sépare est coupée en deux par l’île de la Dominique, jadis française, que le traité de 1763 a fait passer aux mains de l’Angleterre, au grand désavantage des deux colonies françaises, ainsi gênées dans toutes leurs relations, même celles d’ordre purement pacifique. Si jamais il se faisait entre les deux nations quelque échange ou cession de territoires, la Dominique est une des terres que la France ne devrait pas oublier de rappeler à elle, non plus que Sainte-Lucie, plus française encore par ses origines, et que les Anglais n’ont gardée que pour surveiller plus facilement tous les mouvemens de la rade de Fort-de-France.

Quoique depuis quelques années un bateau à vapeur fasse en sept ou huit heures le trajet régulier de la Martinique à la Guadeloupe, l’amour-propre local ne se tient pas pour satisfait de ce modeste effort de navigation, en voyant ce cortège d’îles nombreuses et florissantes qui pourraient alimenter un incessant cabotage. Aussi est-ce avec des espérances illimitées que les créoles ont salué la promesse d’une ligne des Antilles dans l’itinéraire des paquebots