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plantation nouvelle n’a remplacés. Aussi ces massifs forestiers, quoique bien vastes encore et pouvant fournir quelques ressources à l’ébénisterie et à la marine de cabotage, vont-ils s’appauvrissant d’année en année, et l’on remarque en plusieurs localités une intensité de sécheresse autrefois inconnue, qui ne s’explique que par le déboisement. Depuis l’émancipation, le campêche seul donne lieu à une exploitation suivie, qui devient pour les anciens affranchis une source de revenus. On préférerait sans doute les voir aux champs ; mais ce rude travail, pourvu qu’il soit surveillé et contenu dans les bornes qu’indique l’intérêt public, vaut mieux encore pour les noirs que l’oisiveté sous leur ajoupa. La difficulté des transports est d’ailleurs un obstacle que l’on doit moins regretter, l’influence climatérique des forêts ayant plus de prix pour l’agriculture que n’en a pour l’industrie la mise en œuvre de leurs bois. On préférerait voir ces essences utilisées pour leurs fruits, leurs fleurs, leurs écorces, riches en gommes, en sucres, en matières oléagineuses, tinctoriales et médicales, dont la récolte n’exige pas le sacrifice de l’arbre. Ces fabrications accroîtraient le mouvement industriel, si faible dans les colonies françaises. En effet, à part les produits tirés de la canne, on ne peut guère citer que les conserves, qui atteignent, grâce à l’abondance sur place du sucre et des fruits, des proportions commerciales, et à Saint-Martin les poteries et les sels. Peut-être la plante textile appelée ortie de Chine, qui prend faveur en ce moment à la Martinique, ajoutera-t-elle un nouvel élément de travail à ceux que fournissent déjà, sur une trop petite échelle, les agaves, les yucca et autres végétaux à longues et dures fibres de la zone tropicale.


III. — LES TRAVAUX PUBLICS. — LES IMMIGRANS. — L’EMANCIPATION COMMERCIALE. — LES RAPPORTS AVEC LA METROPOLE.

Tels sont les dons de la nature et les fruits du travail exploités et recueillis aux Antilles françaises depuis deux siècles et demi. Pour les développer, pour en tirer de nouveaux élémens de progrès, la société doit ajouter à l’activité privée sa coopération collective, en accomplissant les travaux et les services qui rentrent dans son ressort. De loin comme de près, l’état ; personnifié tantôt dans l’administration coloniale, tantôt dans celle de la métropole, ne manque pas d’empiéter sans cesse sur les entreprises privées, en même temps qu’il néglige de remplir certaines de ses attributions les plus importantes : percer des routes, creuser des canaux, dessécher des marécages, curer les ports, dresser des phares.

À la Martinique, la viabilité est dans un état de barbarie indigne d’un peuple civilisé. Il n’y existe pas une seule voie sur laquelle