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ment ; dans les enquêtes, au sein du parlement, on s’est accordé à le reconnaître. Entrés jeunes au service, ils s’y attachent fortement et y acquièrent une instruction, un esprit de discipline, de bonnes habitudes, que les marins formés par le commerce n’ont jamais au même point. La flotte, pour eux, est comme le toit paternel ; ils s’en éloignent avec regret, ils y rentrent avec joie. Leur éducation commence par le plus petit détail, elle s’élève avec leurs forces, et s’applique peu à peu à toutes les parties du métier. C’est une initiation complète, d’autant meilleure qu’elle se fait plus lentement. Aussi l’amirauté a-t-elle été encouragée à donner à ces institutions tout le développement possible ; elle y a répondu par des chiffres significatifs, que son secrétaire soumettait, il y a quelques mois, à la chambre des communes. En 1857, la flotte ne comptait dans ses écoles ou à bord de ses bâtimens que 1,898 mousses, et en 1858 un nombre à peu près égal. En 1859, ce nombre s’élevait à 5, 747 ; en 1860, il est de 8, 535. Cette déclaration a été accueillie avec tant de faveur qu’il est à croire qu’on ne s’en tiendra pas là. Les uns demandent que des écoles de mousses soient établies dans tous les ports de commerce et que les enfans du port d’attache soient admis à en suivre les cours, les autres que la proportion des mousses et des novices aux hommes faits, qui du sixième a été portée au cinquième, aille jusqu’au quart. L’engouement est vif, et peut-être est-on voisin de l’excès.

Pour la réserve, l’amirauté a eu la main moins heureuse ; elle n’avait, il y a peu de temps, qu’un corps composé de bateliers, de pêcheurs et d’habitans du littoral qu’on exerçait au tir du canon, et qui aurait été pour la flotte un embarras plutôt qu’un secours. En 1856, une ressource plus sérieuse lui échut. On rangea dans ses attributions les marins de la douane, qui, sous le nom de gardes-côtes et au nombre de huit mille, composent un corps d’élite toujours disponible et pouvant servir de modèle. Ce n’était là toutefois qu’un supplément de forces et non une réserve dans la véritable acception du mot. On a essayé d’en créer un qui eût ce caractère, et voici comment. D’après des calculs précis, le nombre des marins employés au cabotage et aux courtes navigations s’élève, dans le royaume-uni, à plus de 100,000 ; on y a vu l’élément d’une réserve. Ramenés souvent dans les ports d’origine, ces hommes se prêtent mieux que d’autres à un mélange d’emplois ; on a essayé de les lier à la flotte sans les enlever à l’exercice de leur profession. Pour cela, il fallait les attirer par quelques avantages. Une loi votée en juillet 1859 affecte une paie de 150 francs par an aux marins qui remplissent certaines conditions et s’engagent à servir dans la réserve pendant cinq années. Ce service n’est qu’éventuel, et des règlemens en ont précisé les termes. La seule charge imposée, c’est de passer