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de choix, quelque élément qui les porte. Voici des vaisseaux bardés de fer qui, à un moment donné, s’attaqueront les uns les autres ; supposez-les, comme on le croit, impénétrables au boulet : ils s’épuiseront alors en canonnades inutiles, brûlant beaucoup de poudre pour se faire peu de mal. Comment vider définitivement la querelle ? Il n’y a qu’un moyen, l’abordage. Sera-t-il inopportun, à ce moment décisif, d’avoir à bord quelques soldats d’élite habitués aux combats corps à corps et sachant manier cette terrible baïonnette dont le jeu est si meurtrier ? Chacun de ces hommes ne vaudra-t-il pas un matelot, et la victoire ne restera-t-elle pas à celui des deux vaisseaux qui aura la garnison la mieux trempée et la plus nombreuse ? Ces considérations ont leur valeur, elles demandent à être examinées sans passion ni dédain : il est bon qu’elles se produisent, qu’elles se discutent. Le germe en est déposé, il ne lèvera que si le sol s’y prête. Si l’excès d’audace est quelquefois un danger, il y a un danger pire : c’est l’excès de routine.

Au sujet des mécaniciens, un fait analogue se présente ; ils n’ont pas dans la flotte un rang qui réponde à l’importance de leurs fonctions, et, mal classés, les mécaniciens échappent à une responsabilité sérieuse. Frappé de ce vide, un officier des plus distingués, le contre-amiral Pâris, en a fait l’objet d’une note qui, d’abord remise au ministre de la marine, a été ensuite autographiée à un petit nombre d’exemplaires ; on voulait en référer à l’opinion du corps. Avec les anciennes machines à balancier, on pouvait fermer les yeux sur bien des inconvéniens. Ces machines étaient lourdes, elles occupaient un espace qui n’était pas en rapport avec leur force ; mais elles avaient en revanche une solidité d’organes qui semblait défier la destruction et qui était compatible avec une certaine incurie. Avec les nouvelles machines directement articulées à l’hélice, ces négligences ne sont plus permises : la surveillance des détails est la condition rigoureuse d’un bon service. Ces machines ont plus de vitesse, occupent moins d’espace ; elles ont résolu des problèmes qu’avec les anciennes on n’aurait pu aborder ; elles sont un honneur pour l’art naval et ont donné à la flotte un plus grand rayon d’action. Malheureusement ces beaux titres sont balancés par quelques défauts. Les nouvelles machines ont des organes plus délicats ; les pressions, les vitesses de rotation particulières les exposent à de continuels dommages ; elles sont sujettes à des caprices dont les causes échappent à l’œil le plus exercé ; le moindre frottement y produit des altérations, souvent des ruptures. Rejeter ces inconvéniens sur l’instrument seul serait s’abuser, une grande partie doit en retomber sur l’insouciance et l’ignorance de ceux qui s’en servent. Ici commence la responsabilité du mécanicien ; pour le moment, elle n’est ni définie, ni réelle. Un maître mécanicien reçoit une machine au sujet