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assure-t-on, dans le même cas : estimé à quatorze jours, son approvisionnement en complet état d’armement arriverait à peine à cinq. Il y a dans ces chiffres et dans la manière dont on les présente d’évidentes exagérations ; mais il n’en est pas moins constant que les prévisions ne se sont pas toujours vérifiées. Des accidens inattendus, des modifications d’état dans les matériaux employés ont amené des surcharges et causé des surprises. C’est une des plus sérieuses difficultés qu’offre l’emploi de la vapeur. Le vaisseau doit porter l’aliment de sa marche, et son séjour à la mer est limité par la quantité de combustible que ses flancs peuvent contenir. Les plus favorisés sous ce rapport auront une quinzaine devant eux ; d’autres n’auront qu’une semaine, même quelques jours. Le charbon prend ainsi dans l’économie navale une importance à laquelle les autres élémens semblent subordonnés, et l’amiral Berkeley a pu dire que la flotte la plus redoutable serait celle qui en aurait le plus. Bon gré, mal gré, il faut s’occuper du charbon avant tout le reste, lui ménager de l’espace aux dépens des vivres, des munitions, quelquefois de l’artillerie. Tenir la mer comme anciennement pendant des mois, des années, est chose désormais interdite. Quand la machine, ce terrible consommateur, a dévoré ses provisions, force est de rentrer dans quelque port pour les renouveler. Comment diminuer cette dépendance ? comment donner à cette marine nouvelle plus d’haleine, un champ plus vaste, une plus entière liberté de mouvemens ? De divers côtés et en divers sens, on s’en est occupé : les faiseurs de projets ont pris comme toujours l’avance. Les uns ne voient d’issue à cette difficulté qu’en donnant aux constructions militaires les proportions monstrueuses dont on a fait l’essai dans les constructions commerciales. Des vaisseaux de 15, 20, 30,000 tonneaux, armés à l’avenant, deviendraient de véritables gîtes de houille, capables de fournir les plus longues navigations. D’autres, avec des plans moins ambitieux, ont porté leurs efforts sur la machine même et sur son aliment. Le problème est simple : obtenir plus de force dans un moindre espace. Déjà le charbon a été comprimé et converti en briques avec des succès contestés. D’autres systèmes sont à l’essai, l’emploi de la vapeur sèche et de la vapeur surchauffée ; ce dernier procédé semble même entré en voie d’expérience courante à l’aide des appareils de M. John Wethered, membre du congrès des États-Unis. L’amirauté l’a appliqué au nouveau yacht de la reine et paraît s’applaudir des résultats. Tout cela est en germe, et il est à croire que là flotte sera un jour maîtresse des moteurs dont elle est actuellement l’esclave. En attendant, nos ingénieurs font de leur mieux, et s’il y a un reproche à leur faire, ce n’est pas d’avoir manqué de hardiesse et de s’être refusés à des essais, même aventureux.

Le caractère de la marine nouvelle est, à le bien définir, un perpé