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qu’on a exercées contre vous, ce sont des malentendus de gens qui croient toujours bien faire en allant plus loin que les ordres ; j’en ai témoigné mon mécontentement, et j’espère que vous voudrez bien les oublier.

— Rien de plus propre, monsieur le baron, lui répondis-je, à me faire oublier ce que j’ai souffert que cette générosité que vous avez eue de vous porter pour mon défenseur dans le conseil, sans que j’eusse l’honneur d’être personnellement connu de vous, et l’extrême bonté que vous avez de venir me l’annoncer vous-même. Je ne sais comment vous témoigner la reconnaissance dont je me sens pénétré.

— Attendez, reprit-il ; vous croirez peut-être m’en devoir moins. quand vous saurez ce que j’ai obtenu. C’est beaucoup en comparaison de ce qu’on vous préparait, mais c’est peu auprès de ce que j’aurais voulu. Commençons par un objet auquel on a mis de l’importance, et qui très probablement n’en a aucune : ce sont ces trois paquets qui m’ont été remis, et que je n’ai voulu ouvrir que devant vous. — Il les tira d’une de ses poches et se mit à les décacheter.

— Vous aviez parfaitement raison, lui dis-je, d’en juger ainsi, et je me suis même permis de trouver un peu ridicule l’espèce de solennité qu’on a mise à cette translation.

Les cachets levés, il ne fit que jeter un coup d’œil sur chacune des lettres d’envoi, remit les choses à leur place, et me dit, en me les rendant, avec un fort bon ton de plaisanterie : — Voilà le procès-verbal fini. Venons maintenant au fond de l’affaire, qui était beaucoup plus sérieux. Il ne s’agissait de rien moins que de vous renvoyer à Zurich, où vous auriez subi un interrogatoire devant le président de la diète, de vous remettre ensuite à l’ambassadeur du roi de France, qui aurait disposé de vous, soit en vous faisant partir tout de suite pour Gand, soit en vous faisant détenir provisoirement dans une forteresse, jusqu’à ce qu’il eût reçu les ordres de sa cour. Voici ce que j’ai gagné, et je vous dirai que je n’y ai pas eu peu de peine. Vous ne pouvez ni retourner présentement en France, ni rester en Suisse ; mais il vous est permis de vous retirer dans celle de toutes les autres parties de l’Europe que vous voudrez choisir. Vous y serez libre, ou seulement assujetti à une légère surveillance qui ne gênera en rien votre liberté. Voilà tout ce qu’il m’a été possible d’obtenir pour vous.

Je restai quelques momens en silence, pétrifié de cette grâce, qui était une horrible condamnation. Je répondis enfin : — Vous aviez raison, monsieur le baron, de me donner à entendre que je serais peu satisfait de la faveur qui m’était accordée, mais non pas de croire que j’en aurais pour vous moins de reconnaissance. Votre intercession