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d’ailleurs qu’un peu plus tôt ou un peu plus tard il en faudra toujours venir là. Ils doivent donc avoir froidement examiné les chances bonnes et mauvaises de cette guerre. S’ils caressent les unes avec confiance, ils doivent accepter d’avance les autres avec une froide résignation. Parmi leurs bonnes chances, ils comptent sans doute les pénibles embarras intérieurs de l’Autriche. En dehors de ses difficultés italiennes, l’empire autrichien ne traverse-t-il pas une crise redoutable ? Les mécontentemens et les exigences des populations ne retentissent-ils pas au sein même du conseil de l’empire ? N’est-il pas question d’une transformation fondamentale des institutions du pays ? Ne demande-t-on pas l’abdication d’une partie des prérogatives du pouvoir au profil d’une presse libre et d’une représentation sérieuse des citoyens ? Si l’empereur capitule, n’a-t-il pas dépassé le moment où un pouvoir peut encore se fortifier par des concessions, et au surplus la transition même d’un régime à un autre ne sera-t-elle pas une crise d’affaiblissement ? Si l’empereur enfin résiste, comment reconstituera-t-il ses finances ? comment refera-t-il le moral de ses soldats au milieu des masses hongroises et des millions de Polonais de la Galicie, auxquels une guerre viendrait fournir l’occasion de faire éclater leurs légitimes mécontentemens ?

Les révolutions actuelles de l’Italie ont d’ailleurs acquis cette force expansive qui rend les révolutions contagieuses. L’expérience des mouvemens révolutionnaires nous prouve qu’il n’y a pas de révolutions isolées, et que lorsque l’Europe entre dans une de ces périodes de brusques et violens changemens, la révolution, partout où elle doit agir, s’opère par les mêmes procédés et sous une forme identique. Les exemples italiens sont d’un bon augure. La dissolution du royaume de Naples avertit peut-être plus d’un mauvais gouvernement du sort qui lui est réservé ; la marche entraînante de Garibaldi annonce peut-être à plus d’un peuple opprimé un ardent et heureux réveil. Ainsi raisonnent les Italiens ; mais la perspective même d’un revers ne les décourage pas. La France les laissera-t-elle succomber sous les armes autrichiennes ? On ne réussit pas à le leur persuader, et sans vouloir le moins du monde flatter leur illusion, nous conviendrons que la défaite des Italiens et le l’établissement de l’ascendant autrichien dans la péninsule seraient un fâcheux échec pour la politique qui a inspiré la guerre de 1859, et qui a accepté, comme compensation de l’agrandissement du Piémont, la Savoie et Nice. D’ailleurs les Italiens ne s’arrêtent pas seulement à cette espérance du concours de la France. Ils concèdent, pour la commodité du discours, que notre alliance leur fera défaut. Après un tel abandon, ils se résignent encore aux conséquences d’une guerre malheureuse. Notre cause, disent-ils, a grandi après chaque revers et par les revers mêmes ; à chaque aspiration refoulée a succédé en nous une aspiration plus forte vers l’indépendance et vers l’unité ; après chaque victoire obtenue par les princes que nous venons de rejeter, le gouvernement est devenu plus difficile à ces princes restaurés. Nous venons de prouver au monde que nous voulons être un peuple uni et une nation indépendante. La fortune peut encore nous être