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il a été l’objet de la part de ceux qui furent ses serviteurs et les favoris de son père. Les démissions des officiers, de ceux même qui tenaient de plus près à sa personne, pleuvaient autour de, lui. Quand son départ a été décidé, il s’est vu refuser par les chefs de la marine napolitaine, par des hommes à qui il avait conservé ou donné leurs épées, l’hospitalité à bord de leurs vaisseaux. Il n’a trouvé asile, pour se rendre à Gaëte, que sur le plus petit bâtiment de son escadre ; encore a-t-il fallu promettre au capitaine, qu’une fois arrivé à sa destination, le navire n’y serait point retenu et reviendrait à Naples sans retard. Dans cette dernière heure, le roi François II n’a rencontré les attentions et les égards dus à son rang et à son infortune que chez quelques militaires, tels que le prince Ruffano et le général del Bosco, qui avaient été fort peu en faveur jusqu’au moment de la révolution à cause de leurs opinions libérales, et chez quelques-uns de ses ministres, M. Spinelli et M. de Martino. Ces hommes honnêtes ont rendu au roi le dernier service qu’ils pussent lui rendre : ils ont maintenu le respect autour de sa personne, l’ordre dans son palais, jusqu’au moment de sa retraite. Le jeune roi a reconnu avec une loyauté émouvante cette fidélité trouvée parmi les hommes dans lesquels la cour de Naples n’avait voulu voir jusqu’à ces derniers temps que des ennemis ou des suspects. « Quelle leçon pour les rois, disait-il en désignant le président du conseil, M. Spinelli ; mon père l’a tenu en prison pendant deux années, et durant douze ans l’a soumis à une étroite surveillance, et cependant c’est lui qui a été mon plus honnête conseiller, c’est lui, quand je n’ai plus auprès de moi aucun de nos anciens amis, qui apporte les dernières consolations à mon malheur ! »

Le roi, en s’embarquant, avait chargé M. Spinelli de veiller au maintien de l’ordre. François II en mer, M. Spinelli réunit chez lui les représentans des principaux partis napolitains. Cette réunion donna lieu à une scène étrange. Trois partis se disputaient déjà le royaume de Naples, les garibaldiens, les annexionistes et les mazziniens. Les premiers voulaient le pouvoir pur et simple de Garibaldi ; ils voulaient donner au chef, militaire du mouvement italien l’entière disposition des ressources du royaume, afin de le laisser maître de conduire à sa guise l’entreprise dans laquelle il s’est engagé. Les annexionistes proprement dits voudraient que le Piémont prît immédiatement possession du pays, afin d’avoir à leur tête un gouvernement régulier, et de conserver à ce gouvernement la direction générale de la politique italienne. À ce groupe s’unissent aussi ceux qui désirent garder à Naples ce reste d’autonomie que les projets d’organisation politique de M. Farini font espérer aux anciens états italiens par la division de la péninsule en régions correspondant aux anciennes démarcations territoriales. Les mazziniens sont peut-être le parti le plus redoutable, car ils ont le levain des idées républicaines, ils ont plus qu’aucun autre parti le tempérament révolutionnaire, et se mettent en apparence à la suite de Garibaldi, mais pour le pousser sans cesse en avant, et le supplanter, s’il s’arrêtait. Les représentans des deux