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des hommes près de dix fois plus grande que celle des femmes ; crimes ayant pour motifs des affaires de successions, de donations, de testamens, de rentes viagères, etc., 399 : ici la proportion des femmes augmente sensiblement ; intérêts pécuniaires 382, intérêts de propriété 282. Le même tableau nous montre que dans l’adultère l’outrage au mari a fait commettre plus du double de crimes que l’outrage fait à la femme.

Une catégorie particulière de motifs permet de juger l’influence la plus immédiate qu’à l’ignorance dans la criminalité. M. Guerry trouve que les crimes suggérés par la superstition figurent pour 27 (dans la proportion de 923 hommes sur 77 femmes), et en les décomposant, il a pour les crimes inspirés par la foi aux empiriques 9, pour les crimes résultant de la croyance à la sorcellerie 18 ; cette proportion bien minime, ne saurait toutefois nous donner une idée de l’influence de la superstition dans les attentats, puisque le statisticien français n’a pas relevé les délits de police correctionnelle auxquels conduisent surtout ces idées chimériques.

Les résultats recueillis par M. Guerry, quoiqu’ils portent sur un nombre déjà considérable d’années et se fondent sur les moyennes d’une masse prodigieuse de chiffres, ne sauraient en tous points être regardés comme définitifs ; ils indiquent simplement dans quelle direction d’idées les faits tendent à nous conduire, les traits généraux des causes qui entretiennent la criminalité. L’étude qu’il a poursuivie aurait besoin d’être reprise séparément pour chacun de nos départemens, dont on arriverait ainsi à déterminer la caractéristique morale.


III

L’ensemble des faits qui viennent d’être exposés fournit un premier aperçu de la marche des phénomènes moraux dans notre pays. Quelle est la conséquence qu’on en peut tirer dès ce jour ? Avons-nous gagné en moralité, avons-nous perdu, ou demeurons-nous stationnaires ? Pour répondre d’une manière catégorique, il faudrait sans doute tenir compte de certaines causes secondaires qu’il est bien difficile aux statisticiens d’évaluer, par exemple de la plus grande vigilance de l’autorité, et, quand on compare deux pays comme la France et l’Angleterre, de la différence de sévérité dans les tribunaux, de l’inégalité d’appréciation des faits. M. Guerry a cherché d’ailleurs à nous donner une idée de la marche de l’une de ces causes accidentelles en représentant sur une même feuille par des courbes les différences successives entre le nombre des préventions et celui des condamnations, entre ce dernier et celui des acquittemens. De pareils tableaux, établis pour la France et l’Angleterre,