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Il en sera ce qu’il a été des appréhensions, très légitimes d’ailleurs, des gouvernemens qui hésitaient d’abord à reconnaître la nécessité de l’intervention, qui lui ont imposé une durée probablement insuffisante, qui lui ont assigné un objet très peu défini, et qui cependant ont été entraînés par la nécessité des faits et par l’exigence du sentiment public. Lequel aujourd’hui de ces gouvernemens songe à interpréter les protocoles en disant que, les massacres ayant cessé, les tribus ayant déposé les armes devant les troupes qu’avait amenées Fuad-Pacha, le rétablissement de l’autorité du sultan est un fait accompli qui doit motiver le retour de l’expédition française ? lequel ne sent pas que l’action européenne doit se prolonger pendant quelque temps encore en Syrie ? lequel ne se prépare pas à cette éventualité ?

Maintenant je laisse à de plus compétens le soin de fixer les formes et les conditions moyennant lesquelles pourront se réaliser les mesures que je propose. Il y a pourtant certains détails auxquels il serait bon de tenir la main. Ainsi par exemple il serait convenable, pour l’effet à produire sur les populations syriennes, qu’au jugement des procès criminels qui vont s’engager assistât toujours, — non comme un juge, mais comme un spectateur dont la présence serait à elle seule la garantie d’une bonne justice, — un délégué au moins de l’une ou l’autre des puissances qui ont signé aux protocoles. La rapidité avec laquelle les Turcs voudront en finir pour arriver à se débarrasser plus vite des étrangers, le désir bien naturel qui les poussera à dissimuler les fautes commises ne m’inspirent pas, je l’avoue, la confiance la plus absolue dans l’exactitude de leur justice. Je connais les Orientaux, et pour cette raison je regarderais aussi comme très utile qu’après règlement fait des indemnités à payer aux victimes, et qui doivent à mon sens consister d’abord en un dégrèvement d’impôts pour elles, et ensuite en annuités à payer par les populations coupables, ces annuités fussent officiellement consignées aux mains des consuls pour être par eux remises aux ay ans droit. Les puissances ou leurs agens pourraient se partager les diverses catégories des indemnitaires, qui, s’il n’en est pas ainsi, ou s’il n’est pas adopté quelque procédé de ce genre, pourraient bien ne recevoir que très peu de chose de ce qui leur est dû. Dans le premier feu du beau zèle qu’excitera la présence des baïonnettes étrangères, l’administration ottomane s’empressera peut-être de verser ou de faire verser quelques termes ; mais les autres, qui en répondra ? Il faut bien se dire en effet que dans l’état où est le pays il n’y a pas moyen de faire payer en bloc les dommages-intérêts qui sont dus ; peut-être vaut-il mieux, par un certain côté, qu’il en soit ainsi : la leçon en sera plus durable et portera plus de fruit. On voudra sans doute faire valoir que ce châtiment prolongé