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par les Maronites, qui sont établis au nombre de 150,000 environ dans la montagne du Liban occidental, entre Tripoli et Beyrouth. Ils descendent d’une ancienne secte de l’église grecque, et se sont réunis au saint-siège de Rome en 1445, mais en conservant une liturgie et une discipline particulière, laquelle, entre autres points, permet le mariage au clergé séculier. Il existe encore en Syrie des Grecs, des Armemens et des Syriaques catholiques, mais ils sont peu nombreux. En outré, les Levantins et les Francs fixés dans les ports ou dans les villes appartiennent aussi pour la plupart à l’église latine.

Les chrétiens de l’église grecque sont les débris des populations vaincues au temps de la première, conquête par les Arabes. Habitans des villes pour la plus grande partie, ils n’ont par eux-mêmes aucune importance politique. Animés d’une haine irréconciliable contre l’église latine, on les a vus, à l’époque des croisades se ranger du côté des musulmans plutôt que du côté des Latins. Ils ont toujours été les sujets très soumis des Arabes, des Mamelouks et des Turcs : c’est seulement depuis l’avènement de la Russie au rang de grande puissance européenne qu’ils sont devenus parfois un sujet d’embarras pour leurs maîtres ; s’ils ne servaient d’instrument politique à la Russie, ils ne seraient rien. On peut en dire autant, je crois, des quelques milliers d’Armemens appartenant à l’église grecque que l’on trouve en Syrie.

Les Juifs, et comment songer sans pitié à cette race si longtemps et si cruellement persécutée ? les Juifs, qui ont là leur véritable patrie, qui ont possédé en maîtres toute la partie méridionale de la Syrie, les Juifs ne comptent plus que pour une trentaine de mille âmes, plus ou moins également dispersées dans toute la province. Ils y vivent dans l’état d’abaissement qui est leur lot par tout l’Orient, depuis la Perse et la Russie jusqu’au Maroc. Ils ne sont rien par eux-mêmes ni par les autres, car, eux, ils n’ont pas de protecteurs. Méprisés et maltraités par les musulmans, ils n’ont vu que rarement les puissances chrétiennes intervenir dans leurs affaires, et ce n’a peut-être jamais été sans qu’ils aient eu à maudire cette intervention. Si peu nombreux qu’ils soient et si peu précises que soient encore nos informations sur les horreurs qui ont été commises à Damas, nous devons cependant regarder comme très probable que les Juifs de Damas auront souffert leur part de ces atrocités ; mais qui réclamera pour eux ? Qui oserait même répondre qu’on ne les accusera pas bientôt d’en avoir profité[1] ? Quoi qu’il en soit, les

  1. Déjà même cette accusation circule, comme le prouvent les récentes correspondances publiées par la presse anglaise et française sur la Syrie ; mais il y a mieux. Voici maintenant les correspondances anglaises qui accusent les Grecs orthodoxes et même les Arméniens catholiques d’avoir joué un rôle très actif dans les scènes de dévastation dont les Maronites ont été les victimes. On va jusqu’à dire que les Grecs seraient les auteurs des crimes abominables qui ont été commis sur les femmes, les Druses, dans toute l’histoire de leurs guerres, ne s’étant jamais écartés du respect que leurs principes leur enseignent, même à l’égard des femmes de leurs ennemis vaincus. Les Grecs auraient profité de l’occasion pour chercher une revanche de l’affaire des lieux saints et de la guerre de Crimée.