Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

placée dans une situation exceptionnelle pour mener à bonne fin l’expédition de Syrie. Quelle armée aurait pu présenter à la fois, comme la nôtre, un général dont la carrière s’est accomplie presque tout entière au milieu des Orientaux, et qui même a passé plusieurs années dans le pays où il va opérer, un corps d’officiers rompu depuis longtemps au maniement des affaires arabes, — des zouaves et des chasseurs d’Afrique qui sont incomparables pour une expédition de ce genre, et qui parlent presque tous un dialecte de la langue du pays, — des spahis et des turcos qui sont de race arabe eux-mêmes, qui sont musulmans de religion, et dont la présence dans nos rangs enseignera à ceux que nous allons faire rentrer dans le devoir que nous ne sommes pas venus pour exercer des vengeances de race ou de religion ? On n’a pas à le craindre en effet, lorsqu’à côté de tous ces hommes déjà si bien préparés, on voit figurer l’honnête et sympathique personne de notre brave et bon soldat de la ligne, dont le caractère sociable et doux s’accommode si aisément des conditions et des mœurs du pays où ses drapeaux le conduisent. Mais où le conduisent-ils aujourd’hui ?

Je n’entreprendrai pas un cours de géographie sur la Syrie, mais j’ai entendu dire et j’ai lu tant de choses singulières sur ce pays, qui devrait nous être cependant connu à tant de titres, que je crois utile d’exposer à ce propos quelques notions générales.


I

La Syrie est une bande étroite de terrain qui s’étend à l’extrémité orientale de la mer Méditerranée, où elle se développe parallèlement au littoral sur une longueur d’environ cent cinquante lieues communes, du 31e au 37e degré de latitude septentrionale. Par le nord, elle touche à l’Asie-Mineure, à la division de cette vaste province qui est connue aujourd’hui sous le nom de pachalik d’Adana, partie de l’ancienne Cilicie, Au sud, la Syrie confine au désert de Suez, et les études que l’on a faites dans ces dernières années sur la topographie de ces contrées donnent lieu de croire qu’à l’origine des temps la mer venait battre le pied des montagnes syriennes. Ce qui est certain, c’est qu’au midi le désert qui les sépare du golfe d’Akaba, dans la Mer-Rouge, offre dans l’ordonnance générale de ses terrains une dépression qui a été couverte autrefois par les eaux de la mer ; c’est que la Mer-Morte elle-même, qui sert, comme on sait, de réceptacle où viennent se perdre les eaux du Jourdain, est située à une grande profondeur au-dessous du niveau de l’Océan. À l’ouest, c’est la Méditerranée qui dessine tout le contour de la Syrie, à l’est, le pays s’étend jusqu’au point où les eaux qui tombent