Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 29.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est ailleurs, c’est dans les œuvres appartenant aux années qui précèdent ou qui suivent de fort près. 1830, qu’il faut chercher les preuves et les vrais titres de ce talent. Ici le besoin de parler net n’aboutit pas à la manie des affirmations brutales, la haine d’un idéalisme conventionnel ne se traduit pas en pédantisme d’une autre sorte, en ostentation de la réalité. La mesure est exactement gardée entre l’abus de la fiction et l’abus du vrai, et lors même qu’il n’en reproduit pas les habitudes extérieures et les types, David reste au fond le disciple de l’art grec. Il ne fait qu’en assouplir les règles en raison de nos mœurs et de ses propres instincts ; il en modifie les termes sans en renier pour cela ni les enseignemens ni l’esprit.

Aujourd’hui comme par le passé, le culte de l’antiquité est pour notre école de sculpture un article de foi universelle, Une sorte de religion de l’état qui défie les schismes et les attaques. Tous les sculpteurs contemporains s’entendent en principe et tombent d’accord sur ce point. Malheureusement, auprès du plus grand nombre, il en est un peu de l’antique comme de la vertu dans l’ordre moral : chacun l’admire et la loue, elle se morfond à la porte de chacun. On se pique de vénération pour l’art grec, on affiche même dans la pratique les dehors de la conviction et du dévouement. Que faut-il penser cependant de ce zèle et de ces respects apparens ? Jusqu’où va en réalité cette foi dans la tradition, et combien d’artistes, tout en. protestant de leur amour pour l’antique, réussissent à prouver qu’ils en savent aimer mieux que les surfaces et lui emprunter autre chose que des artifices de style ou de simples recettes d’exécution ? Les uns continuent, avec une inaltérable bonhomie, de dépeupler l’Olympe et de tailler, suivant les patrons accoutumés, les images des dieux et des déesses. D’autres, sans souci des conditions spéciales et des exigences de chaque sujet, n’ont qu’un type pour toutes les figures, un mannequin pour tous les costumes, et déguiseraient volontiers la Vénus de Médicis en héroïne du moyen âge, l'Apollon du Belvédère en apôtre, en maréchal de France ou en magistrat. D’autres enfin, pour s’isoler de la foule des imitateurs, se contentent de varier les termes de l’imitation et de faire main-basse sur des exemples moins habituellement reproduits. Au lieu des marbres consacrés par l’admiration unanime, ils choisissent des morceaux connus surtout dès érudits ; au lieu des sculptures appartenant au temps de Périclès, ils copient les monumens d’une autre époque, et, quelques enjolivemens archéologiques aidant, quelques ornemens empruntés à l’orfèvrerie ou à la peinture s’ajoutant dans leur œuvre à l’archaïsme du ciseau, les voilà persuadés qu’ils possèdent les vrais secrets de l’art grec, parce qu’ils en ont ressuscité quelques procédés hors d’usage !

À côté de ces praticiens diversement actifs, mais également inutiles