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aux exemples du passé. Seulement, sous des dehors empruntés à l’art antique, une originalité intime, quelque chose de personnel et de récent anime l’œuvre du maître florentin, en renouvelle l’esprit et en vivifie le style. Cet accent d’indépendance secrète, de vie propre, fait un peu défaut dans l’œuvre de l’artiste français. Il n’y a que justice à la louer comme un morceau achevé au point de vue du goût, et du savoir ; on ne peut, sans excès de bienveillance, l’admirer à titre de révélation formelle, d’expression parfaitement imprévue du beau. LOreste est, si l’on veut, un chef-d’œuvre de discernement, d’inspiration mesurée, de convenance en toutes choses : ce n’est pas un chef-d’œuvre dans le sens absolu du mot, parce qu’il y manque ce qu’on pourrait appeler l’enveloppe individuelle, ce vernis suprême du sentiment qui est aux produits de l’art ce qu’est le duvet au fruit ou le parfum à la fleur. — Ainsi, dans cette composition tout antique en apparence, dans ce marbre où le fond et la forme semblent ne nous parler que de la Grèce et des modèles qu’elle nous a légués, l’instinct national se trahit encore et se greffe en quelque sorte sur les doctrines empruntées qu’on voudrait faire prévaloir. La raison, cette muse par excellence de l’art français, vient, au risque de la refroidir quelquefois, conseiller la verve du ciseau et proposer des accommodemens, des sacrifices même, là où l’on avait rêvé peut-être des audaces manifestes ou un archaïsme sans merci. Né dans un autre pays, dans la patrie de Bartolini par exemple., le sculpteur de lOreste eut probablement osé s’abandonner davantage, et, les privilèges d’une organisation italienne aidant, il eût su donner à son travail une finesse plus pénétrante, l’empreinte d’une poésie plus vive, plus alerte dans ses allures ; mais il n’appartenait qu’à un artiste français, à un descendant de Poussin, de procéder avec cette sagesse, et de concilier dans une aussi exacte mesure toutes les exigences de la vérité et du goût.

Les bas-reliefs en forme de frises et de médaillons qui décorent la galerie du château de Dampierre ne peuvent que confirmer à tous égards l’opinion que la statue dOreste nous a donnée du talent de Simart. Même habileté supérieure dans le choix et l’arrangement des lignes, dans l’exécution de chaque morceau, mais aussi même correction un peu impersonnelle, même docilité un peu trop opiniâtre à l’autorité des exemples consacrés. Il faut en convenir toutefois, si, dans cette nouvelle tâche, la part de l’invention proprement dite semble le plus souvent à peu près sacrifiée, les conditions mêmes et la destination du travail justifieraient ici mieux qu’ailleurs cette abdication de l’imagination et de la volonté personnelles. Quel était en effet le thème proposé au talent de Simart ? Il ne s’agissait plus, comme dans la composition de lOreste, de traiter un sujet neuf, foncièrement humain sous son étiquette mythologique, et demodeler