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les spécimens les plus significatifs du talent de Simart. Nous en indiquerons trois d’une importance principale : la statue d'Oreste réfugié à l’autel de Minerve, les Bas-reliefs du château de Dampierre, et ceux qui décorent, dans l’église des Invalides, les parois circulaires de la crypte où l’on a édifié le tombeau de Napoléon Ier.

On se souvient encore du succès, l’un des rares succès de la sculpture contemporaine, que lOreste obtint au salon de 1840. Peut-être ceux qui avaient vu le modèle en plâtre exposé l’année précédente à l’École des Beaux-Arts regrettaient-ils que, tout en corrigeant certaines imperfections de détail, le ciseau n’eût pas toujours su conserver au travail définitif l’accent de résolution et de verve imprimé d’abord à l’œuvre de l’ébauchoir. Peut-être aujourd’hui encore, si l’on examine ce modèle, placé dans le vestibule du château de Vendeuvre, y reconnaîtra-t-on l’empreinte d’une passion que le marbre, conservé au musée de Rouen, ne laisse apparaître qu’un peu refroidie. En admettant toutefois qu’ici, comme il arrive souvent’ en matière de sculpture ou de peinture, l’épreuve première ait promis à certains égards un peu plus qu’il n’a été tenu, la statue dOreste n’en demeure pas moins un ouvrage considérable, un des meilleurs que Simart ait signés, et, — mérite rare dans les scènes empruntées aux légendes antiques, — l’image d’un fait que l’art moderne n’avait pas encore reproduit. Hennequin, M. Picot, plusieurs autres peintres français, ont, il est vrai, représenté sur la toile quelques-unes des aventures de la vie d’Oreste, mais non pas celle qui en est le plus dramatique et le plus touchant épisode. Flaxman lui-même, si judicieux, si bien inspiré d’ordinaire, Flaxman, dans ses illustrations d’Eschyle, n’a pas abordé ce beau sujet. Il nous montre Oreste tourmenté par les Furies, et un peu plus loin Oreste devant l’Aréopage ; il ne nous dit rien du moment intermédiaire, de cette heure, entre le supplice et la grâce, où le parricide, « criminel et pourtant vertueux comme Œdipe, » tombe éperdu au pied de l’autel de Minerve, tandis que les Euménides rôdent en quête de leur proie, et déjà se la montrent du doigt. « Il doit être maintenant couché non loin d’ici. . Prenons garde, prenons bien garde, cherchons partout ! Qu’il ne fuie pas inaperçu, impuni, le meurtrier de sa mère ! Le voici abattu par la fatigue. Il embrasse la statue de l’immortelle déesse, il demande que son crime soit jugé. » Quoi de mieux approprié qu’un pareil thème à toutes les conditions de la sculpture ? Quoi de plus profondément tragique, et en même temps de plus favorable à l’expression parfaite de la beauté humaine, que cette figure du jeune et misérable héros ? Oreste, le descendant d’un dieu, doit, par la nature exquise des formes, accuser sa céleste origine. Par le caractère de la physionomie et la langueur é