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le mot, cette impression d’ennui que nous causent en général les travaux de l’ébauchoir ou du ciseau ; de là aussi nos injustices envers quelques talens dont le seul tort est de se trouver trop souvent mal ou médiocrement avoisinés. On sait de reste que le marbre et la pierre fournissent chaque année en nombre suffisant des Saisons ou des Muses, des images de la Prudence, de la Justice ou telles autres personnifications aussi peu imprévues dans la forme qu’inoffensives dans les intentions : on ne sait point assez qu’à côté de ces redites inutiles des œuvres vraiment éloquentes soutiennent l’honneur de notre école, et que, jusque dans le même ordre de sujets, plus d’un statuaire réussit encore à formuler des idées neuves, en se gardant aussi bien des excès pédantesques du style que de l’infidélité aux traditions.

Parmi les artistes contemporains qui ont le mieux défendu cette cause du beau classique tout en consentant à en rajeunir les termes, parmi ceux qu’a le plus ardemment préoccupés la recherche du progrès sans indiscipline, sans concession au caprice ou au faux goût, Charles Simart mérite d’être cité en première ligne, tant pour son habileté même qu’en considération du nombre et de l’importance de ses travaux. Disciple fervent de l’antique, il a gardé néanmoins son indépendance, et n’a pas immobilisé son talent dans un système d’imitation servile. Au lieu de copier, comme tant d’autres, les surfaces de l’art grec et d’en contrefaire les formes sans en résumer l’esprit, il a voulu, au profit même de sa propre pensée, s’assimiler les caractères intimes, la vie morale de cet art admirable entre tous : tâche difficile, accomplie déjà dans le domaine de la poésie avant le siècle où nous sommes, mais que, sauf une exception illustre, les peintres et les sculpteurs de notre temps n’ont su ni choisir dès le début avec cette certitude, ni poursuivre avec cette obstination passionnée. Dans le livre, plein de sages aperçus d’ailleurs, qu’il vient de consacrer à la mémoire de Simart, M. Eyriès n’hésite pas à affirmer que si le savant artiste « n’eût été brisé, comme par un coup de foudre, au milieu de sa carrière, … il fût devenu le Raphaël de la statuaire. » Un pareil éloge n’est pas seulement excessif en soi ; il pèche encore par la différence des inspirations et des principes que personnifient les deux noms ainsi rapprochés, et, comparaison pour comparaison, le souvenir d’André Chénier eût semblé ici mieux de mise que le souvenir du peintre des Madones et des Stanze du Vatican.

Ne serait-on pas autorisé en effet, sauf l’inégalité de mérite entre les résultats, à rattacher les tentatives archaïques du sculpteur de la Minerve et des bas-reliefs du tombeau de Napoléon au système de rénovation littéraire par l’imitation des anciens qu’inaugurait,