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la publication d’une suite de photographies d’après les statues et les bas-reliefs qu’a laissés Simart vient ajouter aux preuves acquises un élément de conviction nouveau et continuer sur l’art de notre époque cette série de témoignages que la mort a ouverte et grossie sans relâche depuis quelques années. En même temps une étude zélée, trop zélée peut-être à certains égards, sur la vie et l’œuvre de Simart, j’ai presque dit un panégyrique formel, achève de convier le public à l’examen d’un talent qui, faute d’autorité souveraine, a du- moins son importance sérieuse et ses droits au respect de tous. Ces deux publications diversement significatives nous offrent l’occasion d’apprécier à notre tour les développemens successifs de ce talent et d’en résumer les caractères, en lui attribuant dans l’histoire de l’art contemporain, non la place glorieuse qui n’appartient qu’aux maîtres, mais le rang très honorable encore réservé aux disciples d’élite, aux intelligences bien munies et fécondées par l’étude des grands exemples. Il y a aussi dans les travaux de Simart un autre élément d’intérêt pour la critique, un sujet d’étude qu’elle ne saurait négliger, — l’état même de la sculpture en France et ses derniers progrès.

En France, et dans notre siècle surtout, la sculpture est de tous les arts le plus difficilement populaire. C’est celui du moins qui, au point de vue de l’amour-propre et de la notoriété personnelle, rémunère les artistes avec le plus d’incertitude ou de parcimonie. Les statuaires doivent se résigner sur ce point à de continuels sacrifices. Leurs œuvres peuvent parfois rencontrer le succès : rarement leurs noms s’imposent à la mémoire de la foule. Que de gens, par exemple, dont les yeux connaissent et admirent le Danseur napolitain de M. Duret ou le Départ sculpté par Rude sur l’arc de triomphe de l’Étoile, qui seraient peut-être embarrassés de dire quelle main a modelé cette élégante figure, quel ciseau a taillé ce hardi bas-relief ! Tandis que telle menue peinture de genre, telle fantaisie de couleur tracée du bout du pinceau et au hasard de l’heure présente, suffisent pour donner à ceux qui les ont signées une certaine célébrité, les marbres destinés à la décoration de nos monumens, les morceaux de sculpture dont l’exécution a exigé le plus de temps, de loyaux efforts et de vraie science, laissent à peu près inaperçus, sinon le mérite même du travail, du moins le mérite et les titres particuliers des auteurs, Seul parmi les statuaires français contemporains, Pradier a joui de son vivant d’une sorte de popularité : d’où lui est venue toutefois cette faveur exceptionnelle ? De sa rare habileté assûrement, mais sans doute aussi de ses doctrines trop peu sévères, de son goût trop habituel pour des sujets et un style où le nu n’est rien moins que l’image naïve de la chasteté. Au lieu des galanteries