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I.

De tout temps, l’Angleterre a accordé une grande importance à l’éducation des officiers. L’état s’était imposé, pour former des chefs militaires, des sacrifices qui n’avaient point été sans fruit, et pourtant lors de la guerre de Crimée de vives plaintes s’élevèrent dans le pays sur la manière dont les opérations étaient conduites devant Sébastopol. Impatientée des longueurs du siège, l’opinion publique, au lieu de tenir compte des obstacles, attira l’attention, je devrais dire la critique, sur les branches supérieures du service de guerre. L’armée n’avait point démérité, mais elle n’avait point vaincu assez vite au gré de l’amour-propre national. Des organes influens, le Times lui-même, qui a souvent rendu des services à l’armée anglaise en se montrant sévère pour elle, signalèrent comme racine du mal le patronage qui ouvrait alors l’entrée des grades aux jeunes gens de famille. L’avantage des nations libres est qu’elles savent profiter de leurs fautes ou des résistances de la fortune. La discussion exagère quelquefois en Angleterre le caractère des plaies qu’elle découvre, mais du moins elle appelle le remède. Le gouvernement s’émut de l’émotion du pays, et en 1856 une commission fut nommée par lord Panmure pour réorganiser l’éducation des officiers. Cette commission se rendit dans les diverses écoles militaires de la Grande-Bretagne, visita avec soin de semblables institutions en France, en Prusse, en Autriche, en Sardaigne, et s’entoura de tous les documens qui étaient de nature à éclairer ses recherches ; son rapport est un monument de science, de tact et d’impartialité. Les auteurs de cette enquête, le colonel Yolland, le colonel Smythe et M. Lake, attaché à l’université d’Oxford, signalèrent ce qu’il y avait à réformer dans le système anglais pour élever les établissemens d’éducation militaire à la hauteur des progrès inévitables que réclament les temps modernes. Ils recommandèrent en outre la formation d’un conseil d’éducation militaire (board of military éducation), qui, placé en dehors et au-dessus du corps enseignant, dirigeât les études de la jeunesse qui se destine à l’armée. De ces diverses influences, — la pression de l’opinion publique, la commission nommée en 1856 par le gouvernement, et surtout le conseil d’éducation, — sortirent les changemens heureux dont nous allons retrouver la trace dans les écoles militaires de la Grande-Bretagne. Ces écoles sont au nombre de trois : l’académie royale de Woolwich, le collège militaire d’Addiscombe, le collège militaire de Sandhurst.

Woolwich est ce que nous appellerions en France une ville de guerre. Des casernes, des hôpitaux militaires, des dépôts de munitions et des magasins d’armes, tout cela lui imprime un caractère