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guerre pour la guerre, il n’entretient point une armée pour le ruineux plaisir de voir briller des baïonnettes et flotter des drapeaux. Il a une armée pour défendre son territoire, son commerce, l’immense réseau de ses relations extérieures et de ses affaires. L’expérience lui a plus d’une fois démontré la nécessité de mettre l’orgueil des richesses sous la protection du courage. Dans un meeting auquel j’assistais, un orateur anglais, appuyant sur le besoin de certains sacrifices destinés à accroître les moyens de défense nationale, avait recours à cette comparaison : « Voyez les chaumières, elles se gardent elles-mêmes par leur pauvreté ; mais les châteaux, les fabriques, les entrepôts s’entourent, et avec raison, d’une armée de surveillans. Eh bien ! il en est de même des états, lesquels se trouvent d’autant plus menacés qu’ils sont plus prospères. L’Angleterre n’est point en vain le grand magasin de l’Europe : richesse et civilisation obligent. À côté de l’armée des industriels dont les produits excitent l’envie, ayons donc une forte armée de soldats qui nous fassent craindre et respecter. »

Le caractère du soldat anglais s’est calqué sur cet idéal. Il a moins d’enthousiasme que de sang-froid. Sur un champ de bataille, il meurt comme il vit, par résolution et par sentiment du devoir. Inébranlable, il sent peser sur ses armes la responsabilité du travail qui a fait de l’Angleterre une opulente nation. L’élément militaire présente donc dans la Grande-Bretagne des traits particuliers et intéressans. Et puis tout dernièrement, en regard de l’armée régulière, est sortie de terre une nouvelle armée indépendante. Hier elle n’existait guère qu’en projet, aujourd’hui elle emplit les villes du bruit de ses fanfares, elle passe des revues à Hyde-Park et à Holy-Rood, elle couvre les plaines de la fumée des petites guerres. Je parle des volontaires ou riflemen. Il faudra rechercher l’origine de ce mouvement et l’influence qu’il a déjà exercée sur les mœurs anglaises ; mais avant de s’occuper de l’année et des volontaires, ne convient-il point d’étudier d’abord les écoles militaires et les arsenaux ? Des écoles sortent les officiers qui exercent une si grande influence sur le moral des soldats anglais ; des arsenaux, l’armée tire les munitions et les machines de guerre qui jouent aujourd’hui un rôle si important dans les batailles. Cette étude, qui d’ailleurs continue une série commencée, ne manque point d’à-propos. À une époque où toutes les nations de l’Europe s’observent, et où des bruits de guerre souterrains naissent, s’éteignent, renaissent de moment en moment, il n’est point inutile pour la France de connaître les forces de ses voisins.