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qu’une chose, poursuivez après, non avant. » Il nous est impossible de cacher la pénible impression que laissent en nous cette véhémente invective et cette sanglante ironie. Nous voudrions que le gouvernement piémontais eût montré en effet assez d’énergie depuis trois mois pour avoir vraiment mérité les accusations de M. Mazzini. Nous sommes réduits aujourd’hui à attendre avec une perplexité douloureuse que ce doute soit résolu : Lequel aura le plus d’ascendant auprès de Garibaldi, de M. Mazzini ou de M. de Cavour ? Nous ne le saurons qu’après la chute de la royauté napolitaine.

Puisque Garibaldi est maintenant le seul arbitre des destinées italiennes, Dieu fasse qu’il comprenne les difficultés que les nouveaux arrangemens de l’Europe opposent à la réalisation complète de ses desseins, et qu’il se laisse modérer par les avertissemens que de toutes parts les amis les plus dévoués et les plus autorisés de l’Italie ont récemment donnés aux Italiens ! L’Angleterre elle-même, par l’organe de quelques-uns de ses hommes politiques et de ses principaux journaux, a signalé à Garibaldi l’inexcusable témérité d’une attaque prochaine contre l’Autriche. Ce concert de représentations a ému quelques Italiens éminens. On nous assure qu’il faut compter non-seulement sur la simple droiture de Garibaldi, mais encore sur l’autorité avec laquelle il peut contenir les plus ardens de ses compagnons d’armes, sur le bon sens pratique avec lequel il saura attendre les circonstances favorables ou éviter de se heurter contre l’impossible. Nous souhaitons, dans l’intérêt de l’Italie, qu’on dise vrai. Malheureusement les Italiens n’ont guère eu l’air, depuis quelque temps, de faire grand cas des avertissemens les plus désintéressés qui leur sont venus de France. Les Italiens ont des torts envers les opinions indépendantes de notre pays ; ces torts, peut-être trop vivement ressentis chez nous, ont éclairci les rangs de leurs partisans. Ils ont cru parfois faire acte d’habileté en méconnaissant les sympathies qu’ils avaient conquises parmi les divers partis français pour rapporter uniquement au gouvernement les services qui leur ont été rendus par la France. Cette tactique a été peu adroite : il reste parmi nous des esprits éminens qui méritent d’être ménagés, et dont les opinions auront toujours un grand poids dans les affaires de l’Europe. Cette réflexion nous venait à l’esprit en lisant le dernier Entretien de M. de Lamartine, consacré tout entier à la situation actuelle de l’Italie. Cette belle étude, où parfois M. de Lamartine a retrouvé l’inspiration de ses meilleurs jours, a produit dans un public d’élite une vive sensation. Nous sommes loin de partager la plupart des idées de M. de Lamartine. L’illustre écrivain, voulant juger l’ensemble des choses italiennes, les distribue par grandes masses, et commet des erreurs de fait qui altèrent, contre son intention, l’équité de ses jugemens. Une de ces erreurs, qui vient d’être relevée avec un honnête empressement par M. Jules Bastide, est celle que M. de Lamartine a commise à propos du général Cavaignac. M. de Lamartine attribue par inadvertance au général Cavaignac, qu’il appelle un dictateur, l’expédition de Rome, entreprise plusieurs mois après la sortie du