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qu’elle a obtenus. Il reste à indiquer à quelles conditions elle a réussi. Jusqu’à l’époque actuelle, la célérité semblait la principale qualité de la cavalerie légère. Aujourd’hui on lui demande non-seulement l’agilité, mais la sûreté, la persistance des mouvemens, non-seulement la fougue de l’attaque, mais la justesse du tir. C’est à l’école des Arabes que se sont formés les représentans français de cette cavalerie nouvelle. Les Arabes ne connaissent pas les distinctions établies dans notre armée entre la grosse cavalerie et la cavalerie légère. Le combattant à cheval est tour à tour chez eux un éclaireur habile et le plus patient des marcheurs. Sans effacer les distinctions traditionnelles entre nos divers corps de cavalerie, on peut se féliciter de la tendance qui depuis les campagnes d’Afrique est venue rapprocher de plus en plus ce que la théorie avait trop séparé. Le 1er chasseurs nous a montré une solidité à toute épreuve, le 2e une fougue irrésistible ; les deux autres régimens, l’accord de ces deux grandes qualités militaires. La bataille d’Isly est venue sanctionner ce précieux accord par la victoire. Dès lors une ère nouvelle, pressentie depuis 1830, a définitivement commencé pour la cavalerie, et l’on a pu prédire les grands faits d’armes de Balaclava et de Solferino.

Aujourd’hui même néanmoins c’est encore vers l’Afrique qu’il faut se tourner, si l’on veut savoir comment de tels résultats ont été obtenus et comment ils se maintiendront. C’est là que se conserve, même au sein de la paix, l’habitude des rudes exercices, qui place le chasseur d’Afrique au niveau du cavalier arabe. Jamais d’ailleurs il n’a été plus important d’assurer à la cavalerie tout entière les qualités que s’est acquises le redoutable corps formé en 1830. Il est certain que le système perfectionné de l’artillerie amènera de graves modifications dans la cavalerie. La France eut comme le pressentiment du rôle nouveau réservé à son armée, quand elle donna les zouaves à l’infanterie et les chasseurs d’Afrique à la cavalerie. Pour ces derniers, la France eut le bonheur de trouver une ressource précieuse dans le pays même ; malgré l’infériorité de sa taille, le cheval d’Afrique, par les qualités qui lui sont inhérentes, résumait à lui seul tous les besoins de la cavalerie nouvelle, destinée à fondre en elle les deux types de l’ancienne cavalerie. En effet, ce noble cheval de guerre portait également bien le carabinier, le cuirassier ; ces cavaliers gigantesques, et les sveltes combattans qui ont illustré l’uniforme des hussards et des lanciers. On peut même assurer que par la taille les chasseurs d’Afrique appartenaient bien plus à la grosse cavalerie qu’à la cavalerie légère. On vit les chasseurs d’Afrique charger en ligne à l’Oued-Laleg avec le colonel Bourjolly, enlever des batteries à Isly sous le colonel Morris, fourrager en