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Il fallait franchir des distances énormes avant de trouver une goutte d’eau. Il importait au jeune général d’atteindre Goudjillat le plus promptement possible. Une marche rapide l’y conduisit ; mais, à peine arrivé, il apprit que la smala était à Ouessek-ou-Rekaï, à quatorze lieues dans le sud-ouest. Il continua d’avancer ; à Ouessek-ou-Rekaï, des coureurs que l’on venait de surprendre donnèrent enfin un renseignement plus précis : l’ennemi était en un lieu appelé Taguin, nom que devait conserver cette mémorable journée. Le général Lamoricière manœuvrait dans cette direction, ce qui avait sans doute décidé ces brusques mouvemens de la smala de l’émir. Fuyant toujours devant le général Lamoricière, l’émir ne soupçonnait nullement que la colonne du prince s’avançait aussi sur lui. À cette nouvelle, M. le duc d’Aumale marcha aussitôt sur Taguin, soit pour atteindre la smala, soit pour la mettre entre deux feux. Le plan était simple en apparence ; il n’en fallait pas moins pour l’exécuter des soldats et des officiers comme il en avait sous ses ordres. Il lui restait encore vingt lieues de désert à franchir. Après une course fatigante avec sa cavalerie, sans avoir rien pu découvrir, M. le duc d’Aumale s’arrêta. Son infanterie était fort éloignée de lui, et ne pouvait le rejoindre de plusieurs heures. Pendant cette courte halte, des cavaliers ennemis faits prisonniers par sa petite colonne l’avertirent qu’il touchait presque à la smala. Malgré les observations des généraux, malgré les supplications et les prières des Arabes nos alliés, qui, frappés de la faiblesse de la troupe d’attaque, le conjuraient d’attendre son infanterie, le prince prit une héroïque résolution : il donna immédiatement l’ordre de la charge. Les chasseurs d’Afrique, lancés avec cette impétuosité qui était le trait distinctif de leur allure, arrivèrent comme un ouragan, suivis des spahis, au milieu de ce camp immense, renversant tout sur-leur passage, en dépit d’une fusillade effroyable qui partait de toutes les tentes. Ils gagnèrent ainsi la tête de la colonne ennemie, qui cherchait à s’enfuir ; se rabattant sur elle, ils lui coupèrent la retraite, passèrent sur le ventre de l’infanterie régulière de l’émir, qui se défendit en désespérée. Enfin toute la smala tomba en notre pouvoir.

Bientôt le 4e chasseurs se trouva transporté sur un autre théâtre, dans la province d’Oran. L’expérience avait démontré que les plus grandes difficultés de notre domination viendraient toujours de cette province, et on jugea que le 2e et le 4e chasseurs d’Afrique n’étaient point de trop dans ce foyer perpétuel d’insurrection. Les événemens ont justifié cette mesure, et il fut donné à ces deux vaillans régimens de porter les derniers coups à la puissance de l’émir. Il semblait que la fortune sourît au 4e chasseurs. Son séjour dans la province d’Oran fut marqué par un des plus importans faits d’armes