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comme une relique sainte la dent de Bouddha, elle a reçu tour à tour les prêtres de Brahma, les prédicateurs armés de l’islam, les missionnaires catholiques, les pasteurs protestans. Les traditions y sont aussi nombreuses, aussi variées que les cultures, et l’on retrouve accumulés sur son sol, au milieu des plus riches produits de la végétation indienne, les ruines d’anciens royaumes, les temples des plus vieilles religions, tous les souvenirs enfin qui rappellent, aux différentes époques de l’histoire, la grandeur et la décadence des races asiatiques. L’île de Ceylan offre donc d’inépuisables sujets d’étude, et il n’est pas surprenant qu’elle ait inspiré tant d’écrits historiques, scientifiques et religieux. La plus récente de ces productions vient d’être publiée en Angleterre, il y a un an à peine, par sir James Emerson Tennent, qui a su mettre à profit un long séjour à Ceylan, dans l’exercice de hautes fonctions administratives, pour écrire sur cette île une monographie complète, où le charme des descriptions s’unit à l’abondance et à l’exactitude des renseignemens. C’est un travail des plus remarquables, dont trois éditions ont déjà récompensé le mérite. Traduit dans notre langue, il tiendrait dignement sa place à côté des ouvrages si estimés que les savans français ont consacrés à la littérature et à l’histoire de l’Inde. J’essaierai de résumer en quelques pages les chapitres qui m’ont semblé présenter le plus d’intérêt.


I.

Les chroniques cingalaises sont restées longtemps ignorées. Aux siècles derniers, on en était réduit à lire l’histoire de Ceylan sur les inscriptions mutilées des monumens, à déchiffrer les dates sur les monnaies de cuivre, à se servir de ces élémens plus que douteux pour composer un récit médiocrement authentique des temps passés. Il y a encore bien des peuples dont nous ne connaissons les destinées que sur la foi de ces révélations matérielles, extraites des blocs de pierre par le génie ou l’imagination des savans. Ces peuples, qui sont morts, ne réclament pas, et nous acceptons volontiers leur histoire ainsi refaite. Sans contester le mérite de ce genre de travaux, qui est fort en honneur dans toutes les académies, on doit se fier davantage à l’exactitude des annales écrites. Les chroniques en prose et même en vers, retrouvées sur de pauvres feuilles de palmier, sont assurément préférables aux plus ingénieux commentaires auxquels peuvent se livrer les érudits en déchiffrant les hiéroglyphes incrustés dans les murs d’un vieux temple. Or Ceylan possède une histoire écrite qui remonte au sixième siècle avant notre ère, et qui n’a été publiée qu’en 1826, par les soins d’un fonctionnaire de la