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Ce ne sont pas seulement de consolantes images, ce sont aussi de tragiques aventures que Jean Garay emprunte aux vieilles histoires de la patrie. Le dernier chroniqueur du moyen âge, maître Jean Thwroczi, qui vivait sous Mathias Corvin, signale des chansons composées et chantées de son temps en l’honneur d’Etienne Konth, de la maison d’IIedervar. Est-ce un de ces chants oubliés qui a inspiré le poète du XIXe siècle ? Le texte hongrois n’en dit rien, et le traducteur allemand, M. Kertbény, ne fournit aucun renseignement à cet égard. Le rapprochement n’en est pas moins curieux ; que Jean Garay s’inspire des vieux poèmes ou des anciennes chroniques, il est toujours fidèle à sa pensée en faisant circuler dans les mains du peuple les héroïques figures de la noblesse magyare. Écoutez le chant intitulé Konth d’Hedervar ; ces grandes scènes, que les rapsodes du XVe siècle chantaient à la table du roi Mathias Corvin, forment aujourd’hui, grâce à Jean Garay, un des chants familiers au peuple. Il s’agit de Konth et de ses compagnons, défenseurs de la Hongrie contre les Turcs, défenseurs aussi des franchises nationales, et qui, condamnés à mort par le roi Sigismond, empereur d’Allemagne, vont le braver dans sa cour avant de mourir.


KONTH D’HEDERVAR.

« Trente chevaliers marchent vers Bude ; ils vont librement à la mort. Celui qui s’avance le premier devant les trente nobles compagnons, c’est Konth, le héros terrible,

« Les trente chevaliers, les trente héros, sont des cœurs dévoués à la patrie ; ils ont été dénoncés comme rebelles par le traître Vaidafi.

« A Bude, devant le roi irrité, ils sont là debout, intrépides. Quelle force virile dans leurs bras d’acier ! Dans leurs yeux, quelle noble colère !

« Assis sur son trône, le roi leur crie d’une voix hautaine et furieuse : — A genoux devant moi, à genoux à terre, insolens rebelles !

« Et un geste sauvage accompagne ces paroles. Les trente se regardent les uns les autres : à la tête de ses trente nobles compagnons était Konth, le héros terrible.

« Non, sire roi ! » s’écrie-t-H, et sa voix retentissait comme la foudre, et il secouait sa tête grise ; tel l’orage secoue les arbres de la forêt, tels retentissent ses rugissemens dans les branches.

« Non, sire, ce ne sera point, par les cieux ! Toi seul es un rebelle ; tes actes seuls, comme une malédiction, ont chassé la paix de ce pays !

« Son sang, sa vie, ce peuple a tout sacrifié pour ton trône. Dieu sait pourquoi tu n’as jamais récompensé notre dévouement que par le dédain et la haine !

« L’indépendance de notre patrie, ces bras sauront nous la rendre ; sinon, nous tomberons en combattant, fidèlement unis au sein même de la mort !

« Devant toi, tyran, qui toujours nous as foulés aux pieds, qui jamais n’as