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veut ou ne peut dire sur la situation la vérité sévère, que même en France la presse, énervée et dépouillée de toute initiative, se laisse aller au fil de l’eau, et n’a plus la force de regarder les événemens en face et de tenter de les maîtriser, que nous prenons le parti de dire les choses telles que nous les voyons et telles qu’elles sont. En agissant ainsi, nous devons sans doute nous attendre à déplaire à ceux qui ont nos sympathies. Nous nous y résignons, puisqu’il n’y a plus pour nous d’autre manière de les servir !

Tout le monde est d’accord sur le but du mouvement conduit par Garibaldi ; le grand capitaine aventurier l’a dit assez haut lui-même, c’est l’attaque des Autrichiens en Vénétie. Chaque pas fait par Garibaldi hors de Sicile nous rapproche donc de la crise : c’est à ce point de vue qu’il faut envisager aujourd’hui lé, question napolitaine. Naples est la première étape du mouvement italien dans sa marche annoncée contre l’Autriche. Le coup qui décidera de la destinée du roi de Naples et de l’autonomie de l’état napolitain décidera en même temps et de l’assaut des états pontificaux et surtout de la tentative d’agression prédite contre la domination autrichienne en Vénétie. C’est ce qui donne une importance extraordinaire à la question napolitaine dans la conjoncture actuelle. Si la révolution italienne (nous employons ici le mot de révolution dans le sens général, pour désigner la marche et les procédés de ce que l’on appelle en Italie le parti de l’action, et non avec l’acception particulière que ce mot a prise chez nous dans la langue des partis), si, disons-nous, la révolution italienne peut encore être arrêtée, contenue, modérée, c’est dans sa halte à Naples. Si l’autonomie napolitaine est maintenue, le danger immédiat est ajourné ; il devient imminent au contraire, si l’annexion au Piémont, couverte par la dictature de Garibaldi, prévaut à Naples.

L’opinion publique en Europe étant frappée comme elle l’est de la portée des faits dont le royaume de Naples va être le théâtre, il n’est point extraordinaire que les gouvernemens aient pris ces éventualités en considération, et qu’ils aient concerté des mesures pour y faire face. Nous ne parlerons pas ici de la France et de l’Angleterre : suivant sa lettre à M. de Persigny, l’empereur désire que l’Italie du sud se pacifie « n’importe comment, » mais sans intervention étrangère ; quant à l’Angleterre, le principe de non-intervention est, cela va sans dire, sa règle de conduite. Nous ferons seulement remarquer ici aux Italiens que le principe de non-intervention proclamé par la France et l’Angleterre ne leur donne plus désormais la même protection positive et effective qu’ils en avaient obtenue lorsqu’il s’agissait pour eux d’opérer les annexions du nord. Dans ce cas-là, le principe de non-intervention tenait l’Autriche à l’écart de l’Italie centrale ; pourquoi ? Parce que l’Italie centrale avait déjà fait ses révolutions intérieures, parce qu’elle les avait faites elle-même sans l’intervention et le secours d’une force étrangère, et que le principe de non-intervention ne faisait que lui assurer le droit de disposer elle-même de ses futures destinées. Déjà, si le royaume de Naples était révolutionné par une invasion de garibaldiens, la situation ne