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une mesure qui frappe tout le monde, c’est-à-dire à l’emprunt ; mais bien que les souscriptions nationales s’élèvent au triple des sommes émises, malgré le taux favorable de l’adjudication du dernier emprunt de 150 millions, que le ministre des finances n’a pas hésité à porter à 80 fr. 50 cent., l’emprunt n’est pas une ressource dont on puisse user annuellement. Il a été jusqu’ici d’une bonne politique de séparer les dépenses de la guerre de toutes les autres, et non-seulement d’en laisser la plus grande part au budget des dépenses extraordinaires, mais même, comme cela s’est pratiqué pour la Lombardie et l’Emilie, de ne rien comprendre des dépenses de l’armée dans les budgets locaux. Ce qui s’est fait sous la pression de circonstances exceptionnelles peut devenir la loi générale, et aussi bien que les dépenses de la liste civile du roi, les dépenses de l’armée peuvent être considérées comme devant être soldées par une sorte de fonds commun fourni proportionnellement par toutes les provinces. Pour le moment, c’est l’emprunt qui pourvoit à tout, et l’emprunt contracté au nom du Piémont. Il en résulte même une anomalie singulière. Ainsi les titres de dettes locales, ceux de Parme et de Modène même, jouissent de plus de crédit et sont cotés plus haut que les titres de la dette piémontaise. Les sommes empruntées dans les trois derniers exercices se sont élevées de 1 à 3, de 50 à 150 millions. Une semblable progression ne peut être indéfinie, et un jour ou l’autre le Piémont, qui jusqu’ici s’endette pour son propre compte, devra demander aux provinces unies de prendre leur part non-seulement des obligations qui leur sont particulières, mais de celles qui auront été contractées pour la cause nationale.

À l’heure de cette liquidation et de cet apurement de comptes, difficiles pour les états comme pour les individus, que le gouvernement piémontais, digne jusqu’à présent de toutes les sympathies libérales dans ses efforts pour l’affranchissement de l’Italie, n’imite pas la mauvaise conduite qui a rendu le gouvernement autrichien si impopulaire, et qu’il adopte le système d’administration le plus propre à maintenir la paix intérieure ! Après être sortie à son honneur de la guerre étrangère, il ne faut pas que l’Italie joue de nouveau ses destinées dans la guerre civile.


BAILLEUX DE MARISY.