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vacances le chancelier ou l’un des douze juges des grandes cours, sous peine d’une amende de 500 livres sterling (12,500 francs), doit donner suite à la requête du prisonnier, en ordonnant à celui qui le détient de représentera personne (c’est là l’ordre appelé habeas corpus) à l’un des magistrats locaux, en faisant connaître la date et la cause alléguée de la détention. Sur ce rapport, la cour ou, à défaut de la cour, le juge saisi de la plainte doit aussitôt constater si la détention est légale ou illégale, et ordonner, s’il y a lieu, soit l’élargissement, soit la mise en liberté sous caution. Tout sujet du royaume a le droit d’obtenir cet ordre protecteur, qui doit être donné et exécuté dans le délai de vingt jours au plus tard à partir de sa demande[1]. Toute détention illégale, quoique réparée, peut en outre être librement poursuivie, soit par voie criminelle, soit par voie civile. Quiconque s’en est rendu coupable, quel que soit son emploi, encourt les peines de la prison et de l’amende, indépendamment des dommages-intérêts. L’arrestation, quoiqu’elle soit autorisée par la loi dans une large mesure, n’en engage pas moins la responsabilité de celui qui l’a opérée, si elle n’est pas justifiée. Tout magistrat, de même que tout citoyen, peut donc être poursuivi et condamné sans aucun obstacle, dès que sa conduite porte injustement atteinte à la liberté aussi bien qu’à la fortune du plaignant ; aucun privilège, aucune immunité ne lui appartient, s’il est mis en cause pour abus de pouvoir. Cette protection efficace accordée à la personne du citoyen date de loin en Angleterre. Elle remonte à la grande charte, elle a été renouvelée par la fameuse déclaration des droits sous Charles Ier ; mais, reconnue insuffisante, parce que la procédure laissait encore passage à de fréquens abus, elle a été, sous le règne de Charles II, définitivement complétée, et c’est l’acte d’habeas corpus qui a mis la liberté individuelle sous une triple garde dès lors inviolable. Cet acte d’ailleurs n’a pas été destiné à orner le préambule d’une constitution ; mais il a eu pour but d’opposer à une attaque un moyen de défense. En effet, il doit son origine à l’injustice commise contre un citoyen obscur arrêté pour avoir demandé la convocation d’un nouveau parlement et retenu illégalement prisonnier pendant deux mois. Une cause privée devint aussitôt une cause publique, et cette violation des droits d’un seul servit à faire protéger les droits de tous.

Ce sont là les garanties séculaires qui ont préparé le lent, mais

  1. Quiconque d’ailleurs transporterait sans son consentement un accuse ou même un condamné hors d’Angleterre serait passible d’emprisonnement à vie, d’une amende de 500 livres au moins avec paiement du dommage au triple, et encourrait la dégradation de tout emploi. le législateur exige que tout détenu reste à portée de la protection dont il a besoin.