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pour faire entrer la liberté individuelle dans les institutions d’un peuple. Si l’on veut s’en rendre un compte exact, il suffit d’examiner les dispositions de l’acte célèbre connu sous le nom d’acte d’habeas corpus, et qui est devenu pour l’Angleterre comme une seconde grande charte. D’après ce statut et la jurisprudence qui le complète, tout citoyen peut être arrêté, même sans mandat, à titre de prévenu, mais il doit être conduit aussitôt devant un juge de paix, ou, dans certaines villes, comme Londres, devant le magistrat de police, qui remplit l’office, d’ordinaire gratuit, de juge de paix. Le juge de paix ou le magistrat de police doit sans aucun délai élargir le prévenu, ou bien ordonner qu’il soit préventivement détenu. Le droit d’ordonner la détention n’appartient à aucun autre, sauf, dans les cas extraordinaires, aux membres du conseil privé ou aux secrétaires d’état, qui peuvent l’exercer à charge d’en être responsables devant le parlement. Quiconque est légalement assujetti à la détention préventive a le droit de garder sa liberté, s’il est domicilié, en donnant caution. La caution ne peut être refusée par le juge sous peine de délit rigoureusement punissable, et la demande d’un cautionnement exagéré est assimilée au refus de recevoir caution. Le droit à la liberté sous caution ne peut être refusé qu’aux prévenus de trahison, de meurtre, d’incendie, de vol, si le vol est flagrant, et à ceux qui sont mis en accusation pour un crime. Toutefois les juges de la cour du banc de la reine ont le pouvoir d’admettre à caution tout prévenu ou tout accusé, quel que soit le crime qui lui est imputé. La loi anglaise n’oppose jamais à la liberté sous caution un obstacle insurmontable, et, sauf exception, elle la reconnaît non comme une faveur que le prévenu doit solliciter du magistrat, mais comme un droit qu’il est maître de réclamer. Si l’accusé n’a point les moyens ou l’autorisation de donner caution, il a le droit de se faire juger à la première session, c’est-à-dire au bout de trois mois au plus tard, à moins toutefois que les témoins à charge ne puissent être appelés dans le même délai ; mais s’il n’est pas jugé à la seconde session, il doit être élargi. La détention préventive ne peut donc dépasser un certain terme rigoureusement fixé.

La législation n’est pas moins attentive à prévenir ou à réparer la détention illégale. Quiconque se plaint d’être injustement détenu a le droit de demander au concierge de la prison dans laquelle il est enfermé la copie de l’ordre de détention ; cette copie doit être remise dans un délai de six heures, sous peine d’une amende de 100 livres sterling (2,500 francs), doublée en cas de récidive. Sur la vue de cette copie ou bien sur le reçu de l’affirmation du prévenu déclarant sous serment qu’elle lui a été refusée, l’une des trois grandes cours siégeant à Londres ou bien en temps de