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mais toujours réservée et bienfaisante, est l’introduction nécessaire d’une étude sur le caractère et la vie du roi Oscar.

Dès son berceau, le hasard des circonstances semblait l’avoir désigné pour le rôle qu’il devait remplir un jour. Né à Paris le 4 juillet 1799, il avait eu pour parrain le général Bonaparte, qui, tout épris alors, à la veille de l’expédition d’Égypte, de la lecture d’Ossian et de la mystérieuse poésie du Nord, lui avait donné le nom d’un des héros gaéliques. Quelque peu Scandinave qu’il fût, le nom parut plus tard convenir assez bien à un prince des Goths et des Vandales[1].

Oscar avait onze ans à peine quand son père fut informé des dispositions favorables de la diète suédoise, qui, ayant à élire un successeur éventuel à Charles XIII, croyait plaire à l’empereur et mériter sa bienveillance en choisissant un de ses maréchaux. Bernadotte, sensible au profit tout en prévoyant déjà peut-être à quelles terribles extrémités cette extrême fortune l’entraînerait, fit un accueil empressé aux premières ouvertures, et, parmi les stratagèmes à l’aide desquels ses agens s’efforcèrent de fixer le vote des Suédois, il y en eut un pour lequel son fils lui fut déjà un instrument. Ses agens firent circuler dans les rangs de la diète et dans le public une lithographie représentant le prince de Ponte-Corvo, aux pieds duquel on voyait le jeune Oscar jouant avec la grande épée de son père : touchant tableau de famille qui émut la sensibilité des députés d’Oerebro, et promesse d’une sécurité durable, qui s’est réalisée. Bernadotte fut élu prince royal de Suède le 17 août 1810 ; il se hâta de se rendre à l’appel qui lui était fait ; sa femme, la princesse Désirée, qui vit encore, et son fils unique ne vinrent en Suède que dans les premiers jours de 1811. Déjà commençait pour Bernadotte cette cruelle série d’angoisses dont allaient l’accabler et les tyranniques exigences de l’empereur et la terrible instabilité de ces temps. Nous avons raconté dans la Revue ces perpétuelles anxiétés[2] en prenant pour sources de nos récits les correspondances diplomatiques, étrangères ou françaises, où nous trouvions consignées jour par jour les conversations mêmes dans lesquelles la parole exubérante de Bernadotte trahissait toutes ses émotions. Le prince Oscar était trop jeune, par bonheur, pour jouer dans un si triste drame un rôle important, et nous n’avons pas à refaire ce tableau ; il y occupe cependant une petite place, grâce aux préoccupations et aux calculs

  1. Joseph Bonaparte venait de faire paraître son roman de Moïna ou la Villageoise du Mont-Cenis. Son héros s’appelait Oscar, et Mme Bernadotte, sa belle-sœur, l’avait voulu flatter en proposant ce nom pour son fils.
  2. Voyez les livraisons du 15 février, 1er juillet, 15 septembre, 1er novembre 1855, 15 avril et 1er juin 1856.