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constitution de 1852 a mis la liberté individuelle, comme la religion, la morale, la liberté des cultes, l’égalité civile, la propriété privée, sous la garde du sénat, « conservateur du pacte fondamental et des libertés publiques, chargé d’annuler, s’il y a lieu, les actes qui lui sont dénoncés comme illégaux par les pétitions des citoyens. » Le droit constitutionnel pourrait donc, à toute époque, être invoqué comme le protecteur de la liberté individuelle.

Cependant toutes les constitutions, même celles qui sont faites pour être pratiquées, n’ont guère d’autre mérite que celui des bonnes intentions ; c’est vainement qu’on s’en prévaut quand les lois d’exception ou même les lois d’application dénaturent par voie détournée les principes de droit public qui sont en France comme l’enseigne de tous les gouvernemens. Il est vrai que, par rapport à la liberté individuelle, les lois d’exception semblent avoir fait leur temps. Les attentats de la convention sont livrés à la justice de l’histoire. Aucune force légale n’est conservée au décret impérial du 3 mars 1810, qui créait dix prisons d’état pour les détenus « qu’il n’était convenable ni de faire traduire devant les tribunaux, ni de faire mettre en liberté. » Les lois rigoureuses, mais successivement atténuées, de 1815, de 1817 et de 1820, d’abord en cas de crime ou de délit politique, quel qu’il fût, plus tard en cas de complot seulement, reconnaissaient, il est vrai, le droit d’ordonner la détention temporaire des prévenus, sans qu’il fût nécessaire de les renvoyer devant les tribunaux ; mais elles n’ont été qu’un démenti passager donné par le gouvernement de la restauration au système de liberté légale qu’avait inauguré la charte. Le gouvernement de 1830, fidèle à ses promesses, ne s’est armé d’aucune loi contre la liberté individuelle, qu’il avait garantie, et n’a légué que des exemples de modération à ceux qui l’ont renversé. La république de 1848 n’a pas toujours eu les mêmes scrupules, et l’on se rappelle qu’elle a fait de l’état de siège un usage inconnu jusqu’à cette époque, en mettant au secret pendant plus d’une semaine un publiciste bien connu auquel on n’imputait aucun délit formel. Toutefois, quoiqu’elle ait tristement inauguré le système de la transportation par jugement des conseils de guerre, elle n’est responsable que de rares atteintes aux lois ordinaires. Le gouvernement qui lui a succédé s’est, à son origine, servi de ses pleins pouvoirs pour disposer de la liberté individuelle par mesures de police ; mais les règles du droit commun ont été rétablies depuis, et l’empereur, en décrétant l’amnistie au lendemain de la guerre d’Italie, les a définitivement remises en vigueur. Une dernière loi d’exception, la loi dite de sûreté, votée à la suite de l’attentat du 14 janvier 1858, reste il est vrai applicable. Elle permet au gouvernement d’expulser du territoire ou d’interner, soit dans