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ans, que les derniers restes de sa marine militaire ont été transférés à Brest. Il suffit ici de considérer les cent vingt années qui ont précédé la fin des guerres de l’empire : dans cette période, huit attaques ont été dirigées par mer contre Le Havre, pas une seule par terre.

La première fut celle de 1694, année fatale, marquée par de grands désastres à Dieppe, à Cherbourg, à Saint-Malo. Les Anglais commencèrent le bombardement le 26 juillet, à deux heures de l’après-midi : ils avaient pris position à l’ouest près du banc de l’Éclat ; mais, voyant le peu de succès de leur feu, ils tournèrent au sud et s’embossèrent en face de l’Eure. Le maréchal de Choiseul, gouverneur de la place, établit à la hâte pour leur répondre une batterie à boulets rouges ; mais un bourgeois normand imagina une manœuvre tout aussi efficace. On vida en dehors de la place les paillasses des habitans, et l’on y entretint un feu de paille mouillée. Les Anglais, prenant la fumée pour celle d’un incendie, s’acharnèrent sur ce foyer, et en trente heures ils y lancèrent onze cents bombes. Il y eût sept maisons perdues, et le dommage total fut évalué à 100,000 livres. Il est permis de croire que, sans parler d’une bombarde coulée, l’expédition ne s’était pas faite pour si peu. On voulut recommencer l’année suivante ; mais les défenses avaient été augmentées, et les bombardes anglaises se trouvèrent en face de trente chaloupes canonnières, montées chacune de cinquante hommes résolus à les aborder ; elles se retirèrent après une démonstration insignifiante.

L’attaque de 1759 fut la plus meurtrière de toutes. Les bombardes anglaises s’affourchèrent en quart de cercle à 1,500 toises du musoir de la jetée du nord, et nous leur opposâmes à 200 toises du rivage une ligne de pontons et de canonnières. En arrière des galiotes anglaises étaient embossés des vaisseaux de ligne qui les protégeaient, comme nos batteries de terre nos pontons. « Quoique le bombardement ait eu quelque effet, dit le rapport du temps sur le siège, il n’a pas répondu à l’attente des ennemis de brûler la ville. La position de leur escadre était telle que leur gauche regardait le côté des bateaux plats qui étaient rassemblés sur le rivage entre les épis 64 et 79, et leur droite s’étendait jusqu’à la méridienne de la tour de François 1er . Ils menaçaient ainsi en même temps la citadelle, le port et le quartier Saint-François. Leur attaque commença le 4 août au jour et dura jusqu’au 7 : ils bombardèrent sans relâche à toute marée, et jetèrent neuf cents bombes pleines d’artifices du poids de 250 ou 300 livres ; la plupart tombaient à faux. Cent maisons à peu près furent endommagées ; le feu prit à quelques-unes et même à un magasin de goudron ; mais la bonne police