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son cours au commencement du XVIIe siècle. Les vaisseaux d’Honfleur prirent alors le chemin de Madagascar, des îles de la Sonde, des Philippines, qu’ils ont depuis oublié, et si la création de la compagnie des Indes leur enleva plus tard le commerce des épiceries, ils conservèrent celui de l’Amérique du Nord, et trouvèrent un large dédommagement dans les pêches : celles de la morue et du hareng prirent, avec le commerce du sel, qui en était un appendice, de tels développemens, qu’en 1672 la régie des gabelles eut à faire construire à Honfleur des greniers capables de contenir 10,000 tonnes de sel. En 1717, Honfleur fut admis au privilège du commerce des colonies, que Marseille n’obtint qu’en 1719. Enfin la prospérité commerciale du port atteignit son apogée en 1755. Les Anglais, suivant leur habitude, coururent en 1756 sur les bâtimens de commerce avant la déclaration de la guerre, et nous n’étions pas en défense que huit cents matelots d’Honfleur étaient dans leurs prisons. Les longues épreuves qui suivirent ne laissèrent le champ libre aux expéditions commerciales qu’après la paix de 1783. Les plaies de la guerre n’étaient pas cicatrisées quand le souffle de la révolution se fit sentir, et la marine fut pour longtemps paralysée. La restauration, et c’est là son honneur, se promit de la faire renaître. En 1815, les constructions navales prirent à Honfleur un vif essor : on y arma pour la pêche de la baleine et pour les colonies ; mais la tendance des relations lointaines à se grouper au Havre était irrésistible, et les entreprises rivales succombèrent ou se déplacèrent bien vite. C’est ainsi que le port d’Honfleur est en peu de temps devenu ce qu’il est probablement destiné à rester, une sorte de succursale qui reçoit les marchandises encombrantes dont le séjour au Havre serait trop dispendieux, et les distribue dans la riche contrée adjacente. Honfleur n’a presque plus de rapports avec l’étranger, si ce n’est pour tirer d’Angleterre de la houille, et de Norvège des bois de construction. Les laines, les cotons, les sucres bruts, les matières tinctoriales, qu’il transmet aux fabriques voisines, lui viennent du Havre, et la pêche côtière est la seule qu’on y connaisse aujourd’hui.

La population d’Honfleur s’est accrue, puis amoindrie avec l’établissement commercial. Les rôles des tailles y portaient 2,353 familles en 1730 ; à cinq têtes par famille et en ajoutant les personnes exemptes, on arrivait à plus de 12,000 habitans. D’après un rapport de M. Duportal, inspecteur-général des fortifications, la population était en 1755 de près de 18,000 âmes. Elle était au recensement de 1806 de 8,660, en 1826 de 9,798, en 1856 de 9,126 habitans. L’aspect intérieur de la ville ne dément point ces données : c’est celui des vieilles villes normandes avec leurs rues étroites, leurs murs en pans de bois, quelquefois revêtus d’ardoises, leurs toits à pignons,