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Ceux qui s’embarquaient pour San-José ou qui en revenaient étaient bien obligés de garder leurs montures jusqu’à la dernière étape, à moins de les confier, comme nous avions fait pour les nôtres, à des auxiliaires amenés à dessein. Le chemin de fer, ainsi limité, ne servait donc qu’à des trains de plaisir ou de chasse, car on pouvait tirer le chevreuil sans descendre de l’omnibus ; mais il était l’inappréciable débouché de l’exploitation forestière et de la scierie mécanique, et cela suffisait à sa fortune. Dans un pays où l’on fait venir les planches des États-Unis comme les briques, malgré l’abondance et l’inépuisable richesse de la matière première, le débit de la scierie avait pour marchés naturels, à des prix largement rémunérateurs, les douze cents lieues de côtes du Pacifique qui courent de l’Equateur au Mexique.

C’était encore à M. Mora qu’on devait ce commencement de vie industrielle sans analogue de ce côté de l’Amérique jusqu’au tronçon péruvien du Callao à Lima. Il en avait accordé la concession trois ans auparavant à une association anglaise représentée par M. Farrer, dans l’espérance que les larges bénéfices de ce premier essai encourageraient les concessionnaires à pousser leur œuvre jusqu’à San-José, si l’ascension de l’Advocate ne présentait pas des obstacles invincibles. On avait déjà calculé que ce nouveau mode de transport, en dehors de ses énormes avantages pour l’exploitation de nombreux produits, rendrait à l’agriculture six mille travailleurs et douze mille bœufs exclusivement occupés par le roulage de trois ou quatre mille charrettes rudimentaires. Il est douteux que ces espérances soient jamais réalisées, du moins dans cette direction. La configuration du sol, se dressant presque subitement au bout d’une plaine basse longue de quatre ou cinq lieues, exigerait des rachats de pente qui doubleraient la longueur du chemin. Le railway de M. Farrer, arrêté aujourd’hui à la Barranca, la petite rivière de la scierie, ne se prolongera probablement que jusqu’à Esparza, au pied de la montagne ; mais il trouvera un nouvel aliment dans les mines si riches de l’Advocate, et, pour peu que la colonisation s’étende et que les cultures tropicales, indigo, cochenille, cacao, prennent pied sur cette bordure de l’Océan, où la température moyenne est de 28 ou 30 degrés Réaumur, M. Farrer n’aura point à se repentir de son initiative, ni Costa-Rica de sa libéralité. Quant aux grandes communications avec San-José, ce n’est pas de ce côté qu’il faut les chercher. Il existe dans d[autres directions des pentes naturelles, qui toutes aboutissent au canal futur, tant il est vrai que cette œuvre d’intérêt universel renferme en elle-même la satisfaction de tous les intérêts locaux comme de toutes les aspirations politiques de l’Amérique centrale.

Nous avions pris place un peu au hasard dans les omnibus du