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depuis la proclamation de l’indépendance ils faisaient partie de la famille costa-ricaine. Des prétentions théoriques ne pouvaient plus rien contre des faits aussi concluans. Le Nicaragua avait fini par le comprendre, et les propositions nouvelles du général Jérès ne revendiquaient plus tout entier le district de Moracia ; elles se présentaient comme une transaction, laissant l’intérieur du district à Costa-Rica et ne lui enlevant que la bordure. Toutefois cette transaction même portait l’empreinte de la jalousie étroite et invétérée qui l’avait dictée. Le Nicaragua refusait à Costa-Rica toute issue sur le lac et sur le fleuve, limite naturelle des deux pays, jusqu’à trois milles au-dessous du fort Castillo. Il oubliait que sans la présence des forces costa-ricaines dans les eaux du fleuve et du lac, il serait encore au pouvoir de Walker. Un pareil arrangement n’avait en lui-même aucune chance de succès, et l’intervention du médiateur salvadorien n’était pas faite pour lui en donner. La mission du général Jérès ouvrait donc de nouveau un débat irritant sans conclusion possible, qui même remettait en question tout ce qui avait été décidé depuis huit jours, y compris le voyage de M. Mora.

Ce fut le traité du canal qui dégagea cette situation embarrassée. L’article Il faisait du canal lui-même la limite définitive des deux états dans le cas où le tracé adopté déboucherait sur le Pacifique dans la baie de Salinas. Or le président, qui connaissait le pays, qui l’avait parcouru dans tous les sens, qui possédait même une Mme de houille et une Mme de cuivre dans les environs de la baie, ne doutait pas que ce passage ne fût praticable. Un géomètre allemand, envoyé sur les lieux, en avait rapporté des nivellemens et un tracé de route terrestre dont les hauteurs confirmaient les études antérieures. La solution proposée par l’article Il du traité du canal semblait donc au président Mora devoir être la solution de l’avenir, et comme cette solution réparait les iniquités et les ingratitudes de la proposition Jérès et rendait à Costa-Rica toute la rive droite du fleuve et une issue sur le lac, peu importait qu’on fît un sacrifice provisoire, si l’on obtenait un résultat définitif. L’arrangement proposé par le Nicaragua perdait dès lors de son importance en perdant de sa durée. Costa-Rica n’abandonnait plus, en le signant, les droits qu’il avait toujours maintenus. Ce n’était qu’une concession apparente qui devait faciliter les négociations ultérieures. Il ne s’agissait, pour tout sauver, que d’introduire dans la nouvelle convention de limites une réserve générale en faveur des obligations consignées dans les contrats présens ou futurs de canalisation. Tel fut le point de vue qui l’emporta dans l’esprit de M. Mora sur les impressions fâcheuses qu’il avait d’abord éprouvées. Son plan fut dès lors tout tracé. Son gouvernement devait accueillir les envoyés du Nicaragua