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Une petite nation qui donne au monde de pareils exemples méritait de grandir. Le développement de Costa-Rica a été aussi rapide et beaucoup plus remarquable que celui de certains états de l’Union américaine, qui doivent tout à l’émigration étrangère. Don Rafaël Escalante en relevait un détail significatif dans son rapport financier de 1857. Lors de l’émancipation de 1821, l’administration locale n’expédiait que trois courriers par mois, l’un vers la Nouvelle-Grenade, et les deux autres au Nicaragua ; à la date du rapport, il en partait plus de trois par jour, quatre-vingt-quinze par mois, et il en arrivait un même nombre. Le mouvement des affaires s’était donc augmenté dans la proportion de 1 à 30 depuis l’indépendance, c’est-à-dire dans une période de trente ou trente-cinq ans. Il suffit du reste de parcourir le pays pour deviner le secret de cette admirable vitalité. Peu de capitales offrent une campagne environnante aussi riche que celle de San-José. On y trouve un groupe de quatre villes et de vingt villages qui donnent l’idée la plus parfaite d’un peuple heureux. Tous ces villages sont tirés au cordeau et dessinés sur de vastes espaces comme s’ils devaient être un jour de grandes cités. Les maisons se cachent sous des berceaux d’arbres, derrière des bordures de cactus en fleurs, d’énormes aloès, de palmiers de tamarins, et quelquefois de buissons de roses. Pas un mendiant sur le chemin. Le plus pauvre possède un champ, une chaumière et un cheval, et les fortunes de 150 ou 200,000 francs ne sont pas rares ; mais aussi quel sol privilégié que celui qui produit dans la même hacienda du froment et du café, des pommes de terre et des bananes, des pêches et des oranges, réalisant ainsi côte à côte les promesses des climats tempérés et les splendeurs des régions tropicales ! Le café costa-ricain jouit en Angleterre d’une faveur commerciale qui le place immédiatement après le moka. Il en serait de même du sucre et du tabac si le monopole fiscal était supprimé, s’il y avait surtout assez de bras pour suffire à toutes les demandes. M. Carazo calculait qu’en faisant distiller les mélasses, tout le sucre fabriqué, d’une qualité supérieure à celui de Cuba, serait le bénéfice net du producteur ; mais sur les trois mille lieues carrées qui représentent la superficie de la république, les neuf dixièmes appartiennent encore à l’état, et il n’y a guère plus de trente lieues carrées, — le centième de cette superficie, — qui soient habitées et cultivées. Or ce centième donne lieu à une importation annuelle de 8 ou 10 millions, dont 1,200,000 ou 1,500,000 fr. de produits français, à